Vers une meilleure prédiction des glissements de terrains argileux

La Norvège connaît de dangereux glissements de terrain en raison de ses sols argileux. Dans le cadre de son projet de master en génie civil, Mathilde Metral a montré le potentiel d’amélioration du logiciel de prédiction actuellement en développement par les experts et expertes norvégiens. 
A Kattmarka, des bâtiments et un bout d’autoroute ont été emportés par les boues argileuses. © NGI

Les épisodes de fortes pluies qui balaient désormais l’Europe ont un impact particulier en Norvège, dont les sols argileux sont particulièrement fragiles. En partenariat avec l’Institut norvégien de géotechnique (NGI), Mathilde Metral a testé les logiciels de prédiction actuellement en développement dans le cadre de son projet de master en génie civil. «Je voulais travailler sur la prévention des catastrophes naturelles, avec une vision géotechnique. Mon intérêt pour ce sujet est né à la fois en raison de la complexité d’étude de ces évènements, mais aussi par les activités que je pratique en montagne», explique-t-elle. L’étudiante s’oriente alors vers un sujet en partenariat avec le Laboratoire de mécanique des sols (LMS), dirigé par le professeur Lyesse Laloui. Alessio Ferrari, collaborateur scientifique au LMS, lui propose de collaborer avec le NGI, reconnu mondialement pour son expertise sur les sols argileux. 

La Norvège a connu trois importants glissements de terrain liés au caractère instable de ses sols argileux (« quick clays »). Le 13 mars 2009, à Kattmarka, des bâtiments et un bout d’autoroute ont été emportés par les boues argileuses. A Sorum (Sørum), le 10 novembre 2016, la coulée de boue a causé la mort de trois ouvriers de chantier. Le 30 décembre 2020, un glissement de terrain a emporté une trentaine de logements dans la municipalité de Gjerdrum, une ville de 5’000 habitants située au nord-est d’Oslo, causant la mort de neuf personnes et un disparu et l’évacuation d’environ 1’000 habitants.

Défi technique

Les ingénieurs et ingénieures norvégiens tentent depuis plusieurs années de développer un outil numérique pour prévenir de telles catastrophes. Le sujet est toutefois complexe et requiert encore de nombreuses recherches, essais et erreurs. Le projet de master de Mathilde Metral a eu donc pour but de tester la robustesse du logiciel existant, en identifiant ses lacunes et ses réussites dans sa capacité à reproduire les événements de 2009 et 2016. Pour ce faire, l’ingénieure a effectué un calcul rétrospectif, en testant les paramètres utilisés afin de voir ce que le logiciel aurait pu prédire et les éléments manquants pour formuler une telle prédiction.

«Le climat de la Norvège change et les pluies abondantes font disparaître l’eau salée présente dans les sols qui s’effondrent alors comme un château de cartes.»      Mathilde Metral

«Les pentes argileuses norvégiennes ne sont stables que dans un environnement marin. Or, le climat de la Norvège change et les pluies abondantes font disparaître l’eau salée présente dans les sols qui s’effondrent alors comme un château de cartes», explique Mathilde Metral. «C’est une menace pour toutes les habitations et les infrastructures alentour.» Les prédictions se complexifient pour les ingénieurs et ingénieures, car la nature argileuse du sol demande d’appliquer des lois constitutives de la mécanique des fluides à des matériaux géotechniques classiques. La topographie du sol, sa densité, sa résistance en son état intact et son état liquide ainsi que la qualité des sondages sur leur composition sont autant de paramètres utiles pour affiner les prédictions.

Le 13 mars 2009 à Kattmarka, des bâtiments et un bout d’autoroute ont été emportés par les boues argileuses. © NGI

Limites du logiciels

«Sur les événements de 2009 et 2016, j’ai identifié où se situait la zone de déposition et réussi à calculer l’intervalle de temps probable du glissement de terrain. Pour l’événement de Kattmarka, le logiciel parvient bien à reproduire l’événement. Pour celui de Sorum, les relevés topographiques étaient plus anciens et des travaux étaient en cours sur le terrain. Il est donc difficile de réellement connaître l’état du sol au moment de la catastrophe», détaille la jeune diplômée. Son travail a permis d’affiner les critères de sélection et de montrer les limites du logiciel en testant des effets qui n’avaient pas été étudiés jusqu’ici et qui ne fonctionnent pas encore.

«Nous nous attendons à ce que l’impact des glissements de terrains augmente dans les zones sensibles.»      Alessio Ferrari

L’importance de développer de tels outils s’est accentuée ces dernières années, avec l’accélération du réchauffement climatique, comme l’explique Alessio Ferrari, superviseur du projet de master et chercheur associé au LMS: «Le réchauffement climatique amplifie certains phénomènes à l’exemple des épisodes de pluies extrêmes, de la dégradation du perfmafrost et de l’accélération de la fonte des neiges. En conséquence, nous nous attendons à ce que l’impact des glissements de terrains augmente dans les zones sensibles. Le développement et le perfectionnement d’outils de modélisation – comme Mathilde l’a effectué pour son projet de master - nous permettront de mieux anticiper les potentielles conséquences de tels glissements de terrains et d’en atténuer les risques connexes.»