Comment les robots apprennent à faire de la randonnée

Des chercheuses et chercheurs de l'ETH Zurich dirigés par Marco Hutter ont mis au point une nouvelle approche de contrôle qui permet à un robot à pattes, appelé ANYmal, de se déplacer rapidement et de manière robuste sur un terrain difficile. Grâce à l'apprentissage automatique, le robot peut, pour la première fois, combiner sa perception visuelle de l'environnement avec son sens du toucher.
Le robot à pattes ANYmal sur le chemin rocheux menant au sommet du mont Etzel, qui culmine à 1 098 mètres d'altitude. (Photo: Takahiro Miki)

Des passages raides sur un sol glissant, de hautes marches, des éboulis et des sentiers forestiers pleins de racines: le chemin qui mène au mont Etzel, haut de 1098 mètres, à l'extrémité sud du lac de Zurich, est parsemé de nombreux obstacles. Mais ANYmal, le robot quadrupède du Robotic Systems Lab de l'ETH Zurich, franchit sans effort les 120 mètres de dénivelé en 31 minutes de marche. C'est 4 minutes de moins que la durée estimée pour les adeptes de rabdonnée humaines et humains - et sans chute ni faux pas.

Ce résultat est rendu possible par une nouvelle technologie de contrôle, qu'une équipe de recherche de l'ETH Zurich dirigée par le professeur de robotique Marco Hutter a récemment présentée dans la revue Science Robotics. «Le robot a appris à combiner la perception visuelle de son environnement avec la proprioception - son sens du toucher - basée sur le contact direct des jambes. Cela lui permet de s'attaquer à des terrains accidentés plus rapidement, plus efficacement et, surtout, de manière plus robuste», explique Marco Hutter. À l'avenir, ANYmal pourra être utilisé partout où le terrain est trop dangereux pour les humain·es ou trop impraticable pour d'autres robots.

Vidéo: Nicole Davidson / ETH Zurich

Percevoir l'environnement avec précision

Pour naviguer sur des terrains difficiles, les humain·es et les animaux combinent de manière tout à fait automatique la perception visuelle de leur environnement avec la proprioception de leurs jambes et de leurs mains. Cela leur permet de manipuler facilement des sols glissants ou mous et de se déplacer en toute confiance, même lorsque la visibilité est faible. Jusqu'à présent, les robots à pattes n'étaient capables de le faire que dans une mesure limitée.

«La raison en est que les informations sur l'environnement immédiat enregistrées par les capteurs laser et les caméras sont souvent incomplètes et ambiguës», explique Takahiro Miki, doctorant dans le groupe de Marco Hutter et auteur principal de l'étude. Par exemple, les hautes herbes, les flaques d'eau peu profondes ou la neige apparaissent comme des obstacles insurmontables ou sont partiellement invisibles, même si le robot peut les traverser. En outre, la vue du robot peut être obscurcie sur le terrain par des conditions d'éclairage difficiles, de la poussière ou du brouillard.

«C'est pourquoi les robots comme ANYmal doivent être capables de décider eux-mêmes quand il faut faire confiance à la perception visuelle de leur environnement et avancer rapidement, et quand il vaut mieux procéder avec prudence et à petits pas», explique Takahiro Miki. «Et c'est là le grand défi».

Un camp d'entraînement virtuel

Grâce à un nouveau contrôleur basé sur un réseau neuronal, le robot à pattes ANYmal, développé par des chercheuses et chercheurs de l'ETH Zurich et commercialisé par la spin-off ANYbotics de l'ETH Zurich, est désormais capable de combiner pour la première fois une perception externe et proprioceptive. Avant que le robot ne puisse mettre ses capacités à l'épreuve dans le monde réel, les scientifiques ont exposé le système à de nombreux obstacles et sources d'erreur dans un camp d'entraînement virtuel. Cela a permis au réseau d'apprendre la manière idéale pour le robot de surmonter les obstacles, ainsi que le moment où il peut se fier aux données environnementales - et celui où il ferait mieux de les ignorer.

«Grâce à cet entraînement, le robot est capable de maîtriser les terrains naturels les plus difficiles sans les avoir vus auparavant», explique le professeur Marco Hutter de l'ETH Zurich. Cela fonctionne même si les données des capteurs sur l'environnement immédiat sont ambiguës ou vagues. ANYmal joue alors la carte de la sécurité et se fie à sa proprioception. Selon le professeur, cela permet au robot de combiner le meilleur des deux mondes: la rapidité et l'efficacité de la détection externe et la sécurité de la détection proprioceptive.

Utilisation dans des conditions extrêmes

Que ce soit après un tremblement de terre, après une catastrophe nucléaire ou pendant un incendie de forêt, les robots comme ANYmal peuvent être utilisés principalement là où il est trop dangereux pour les humain·es et où les autres robots ne peuvent pas faire face au terrain difficile.

En septembre de l'année dernière, ANYmal a pu démontrer l'efficacité de la nouvelle technologie de contrôle lors du DARPA Subterranean Challenge, le concours de robotique le plus connu au monde. Le robot de l'ETH Zurich a surmonté automatiquement et rapidement de nombreux obstacles et un terrain difficile tout en explorant de manière autonome un système souterrain de tunnels étroits, de grottes et d'infrastructures urbaines. C'est en grande partie pour cette raison que les chercheuses et chercheurs de l'ETH Zurich, au sein de l'équipe CERBERUS, ont remporté la première place avec un prix de 2 millions de dollars.