Détecter le stress au bureau à partir de la façon dont les gens tapent et cliquent

Des chercheurs et chercheuses de l'ETH Zurich ont mis au point un modèle qui détecte le stress sur le lieu de travail simplement par la façon dont les gens tapent et bougent leur souris d'ordinateur. Cela pourrait permettre aux employé·es de prévenir le stress chronique à un stade précoce.
En Suisse, un·e employé·e sur trois souffre de stress au travail. (Photo : Andrey Popov / Adobe Stock)

Résumé

  • Le comportement des participantes et participants à l'étude en matière de frappe et d'utilisation de la souris au bureau est un meilleur indicateur de leur niveau de stress que leur fréquence cardiaque.
  • Les personnes stressées déplacent le pointeur de la souris plus souvent et avec moins de précision. Elles font également plus d'erreurs de frappe.
  • Le modèle des chercheuses et chercheurs de l'ETH Zurich pourrait un jour permettre aux employé·es de prévenir à temps le stress chronique au bureau.

En Suisse, un·e employé·e sur trois souffre de stress au travail. Les personnes concernées ne se rendent souvent compte que trop tard que leurs ressources physiques et psychiques s'amenuisent. Il est donc d'autant plus important d'identifier le stress professionnel le plus tôt possible là où il se manifeste : sur le lieu de travail.

Des chercheurs et chercheuses de l'ETH Zurich ont fait un pas décisif dans cette direction. Grâce à de nouvelles données et à l'apprentissage automatique, elles et ils ont mis au point un modèle capable de déterminer notre niveau de stress à partir de notre façon de taper et d'utiliser la souris.

Et ce n'est pas tout : «La façon dont nous tapons sur notre clavier et déplaçons notre souris semble être un meilleur prédicteur de notre niveau de stress dans un environnement de bureau que notre rythme cardiaque», explique l'autrice de l'étude, Mara Nägelin, une mathématicienne qui mène des recherches à la chaire de marketing technologique et au Mobiliar Lab for Analytics de l'ETH Zurich. Appliquées correctement, ces conclusions pourraient être utilisées à l'avenir pour prévenir rapidement l'augmentation du stress sur le lieu de travail.

Les personnes stressées tapent et cliquent différemment

Les chercheurs et chercheuses de l'ETH Zurich ont démontré lors d'une expérience que les personnes stressées tapent et déplacent leur souris différemment des personnes détendues. «Les personnes stressées déplacent le pointeur de la souris plus souvent et moins précisément et couvrent de plus longues distances à l'écran. Les personnes détendues, en revanche, empruntent des chemins plus courts et plus directs pour atteindre leur destination et prennent plus de temps pour le faire», explique Mara Nägelin.

En outre, les personnes stressées au bureau commettent davantage d'erreurs de frappe. Elles écrivent par à-coups, avec de nombreuses pauses brèves, alors que les personnes détendues font moins de pauses, mais plus longues. Les personnes détendues font moins de pauses, mais plus longues, lorsqu'elles tapent sur un clavier.

Le lien entre le stress et notre comportement au clavier et à la souris peut être expliqué par ce que l'on appelle la théorie du bruit neuromoteur : «Un niveau de stress élevé a un impact négatif sur la capacité de notre cerveau à traiter l'information, ce qui affecte également nos capacités motrices», explique la psychologue Jasmine Kerr, qui mène des recherches avec Mara Nägelin et qui est coautrice de l'étude.

Simuler le stress au bureau de la manière la plus réaliste possible

Pour développer leur modèle de stress, les chercheuses et chercheurs de l'ETH ont observé 90 participants et participantes à l'étude dans le laboratoire en train d'effectuer des tâches de bureau aussi proches que possible de la réalité, telles que la planification de rendez-vous ou l'enregistrement et l'analyse de données. Ils et elles ont enregistré le comportement des participantes et participants à l'aide de la souris et du clavier, ainsi que leur rythme cardiaque. En outre, les chercheurs et chercheuses ont demandé aux participantes et participants, à plusieurs reprises au cours de l'expérience, à quel point ils et elles se sentaient stressées.

«Nous avons été surpris·e de constater que la frappe et le comportement de la souris étaient de meilleurs indicateurs du niveau de stress des sujets que la fréquence cardiaque.»      Mara Nägelin

Si certaines participantes et participants ont pu travailler sans être dérangés, d'autres ont dû participer à un entretien d'embauche. La moitié de ce groupe a également été interrompue à plusieurs reprises par des messages de chat. Contrairement à des études antérieures menées par d'autres scientifiques, où le groupe de contrôle n'avait souvent aucune tâche à accomplir et pouvait se détendre, dans l'expérience des chercheurs et chercheuses de l'ETH Zurich, tous les participants et participantes ont dû effectuer des tâches de bureau.

«Nous avons été surpris·es de constater que la frappe et le comportement de la souris étaient de meilleurs indicateurs du niveau de stress des sujets que la fréquence cardiaque», explique Mara Nägelin. Elle explique que cela est dû au fait que les fréquences cardiaques des participants et participantes des deux groupes ne différaient pas autant que dans d'autres études. L'une des raisons possibles est que le groupe de contrôle s'est également vu confier des activités, ce qui correspond davantage à la réalité du travail.

Les données doivent être protégées

Les chercheuses et chercheurs testent actuellement leur modèle avec les données d'employé·es suisses qui ont accepté que leur comportement à la souris et au clavier ainsi que leurs données cardiaques soient enregistrés directement sur leur lieu de travail à l'aide d'une application. Cette même application interroge régulièrement les employé·es sur leur niveau de stress subjectif. Les résultats devraient être disponibles d'ici la fin de l'année.

La détection du stress sur le lieu de travail soulève toutefois des questions épineuses : «Le seul moyen pour que les gens acceptent et utilisent notre technologie est que nous puissions garantir l'anonymat et la protection de leurs données. Nous voulons aider les travailleurs et travailleuses à identifier le stress à un stade précoce, et non créer un outil de surveillance pour les entreprises», précise Jasmine Kerr. Dans le cadre d'une autre étude impliquant des employé·es et des éticiennes et éthiciens, les chercheurs et chercheuses étudient les caractéristiques qu'une application doit posséder pour répondre à ces exigences et garantir un traitement responsable des données sensibles.

Plus d'informations

Naegelin M, Weibel RP, Kerr JI, Schinazi VP, La Marca R, von Wangenheim F, Hoelscher C, Ferrario A: An interpretable machine learning approach to multimodal stress detection in a simulated office environment. Journal of Biomedical Informatics 2023, 139: 104299, doi: 10.1016/j.jbi.2023.104299

Mobiliar Lab for Analytics at ETH Zurich