Lever le voile sur les couches catalytiques des piles à combustible

En combinant pour la première fois la tomographie électronique à transmission cryogénique et l’apprentissage profond, des scientifiques de l’EPFL ont fourni une première image de la nanostructure des couches catalytiques en platine. Cette découverte met en évidence la manière dont ces couches pourraient être optimisées pour obtenir des piles à combustible plus efficaces.
Sur l’une des images du laboratoire, les nanoparticules de platine apparaissent en rose © INE EPFL

Les piles à combustible à membrane échangeuse de protons (PEMFC), qui sont en cours de développement pour une utilisation dans les véhicules électriques, reposent sur des nanoparticules appelées catalyseurs pour déclencher des réactions entre l’hydrogène et l’oxygène qui pourraient produire de l’électricité. La majeure partie des catalyseurs PEMFC contient du platine, qui est un métal rare et précieux. Il est donc urgent de développer des catalyseurs capables de produire le plus d’énergie possible tout en minimisant la teneur en platine.

Les fabricants intègrent ces catalyseurs dans des assemblages complexes appelés couches catalytiques. Jusqu’à présent, ils devaient le faire sans pouvoir s’appuyer sur une image détaillée de la structure obtenue, car les processus d’imagerie traditionnels entraînent presque toujours un certain degré de dommage.

Vasiliki Tileli, responsable du Laboratoire pour la caractérisation in situ des nanomatériaux par des électrons de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur, a trouvé un moyen de remédier à ce problème. Grâce à l’imagerie des catalyseurs et de leur environnement à des températures inférieures au point de congélation par tomographie électronique à transmission cryogénique et au traitement des images par l’apprentissage profond, elle et ses collègues ont réussi à révéler, pour la première fois, la structure des couches de catalyseur à l’échelle nanométrique.

«Nous sommes encore loin des PEMFC sans platine, qui est un métal très coûteux. À court terme, nous devons réduire la teneur en platine pour rendre cette technologie viable pour la production en série. Il est donc impératif de comprendre comment le platine se comporte par rapport aux autres matériaux dans la couche catalytique, afin d’augmenter la surface de contact nécessaire pour que les réactions chimiques aient lieu», explique Vasiliki Tileli.

«C’est pourquoi l’imagerie de ces catalyseurs en trois dimensions est une véritable performance. Auparavant, il était impossible d’obtenir le bon contraste entre les différents composants de la couche catalytique.»

Meilleure conservation et résolution plus élevée

Lors de l’imagerie par microscopie électronique traditionnelle, les échantillons délicats de couches catalytiques sont souvent endommagés par les faisceaux d’électrons, ce qui entraîne un rétrécissement ou une déformation des matériaux. En réalisant l’imagerie in situ à des températures cryogéniques, Vasiliki Tileli et son équipe ont pu préserver la majeure partie de la morphologie de la couche catalytique. Les scientifiques ont ensuite utilisé un algorithme d’apprentissage machine pour débruiter et classer les images avec plus de précision, ce qui leur a permis d’obtenir une résolution d’image inégalée.

Mais surtout, les chercheuses et chercheurs ont pu mettre en évidence l’épaisseur hétérogène d’une couche de polymère poreux sur les catalyseurs, appelée ionomère. L’épaisseur de l’ionomère a une grande influence sur les performances des catalyseurs au platine.

«L’ionomère doit avoir une certaine épaisseur pour que les réactions catalytiques puissent se produire efficacement. Comme nous avons réussi à reconstituer intégralement les couches catalytiques en limitant les dommages à la structure, nous avons pu montrer, pour la première fois, la quantité de platine recouverte d’ionomère et l’épaisseur de cette couverture», indique Vasiliki Tileli.

Ces données pourraient représenter une mine d’or pour les fabricants de catalyseurs, qui pourraient les utiliser pour fabriquer des catalyseurs contenant davantage de particules de platine recouvertes de la bonne quantité d’ionomère, et donc offrant des performances optimales.

«L’aspect cryogénique est l’élément clé de cette étude. Les ionomères sont semblables à des protéines: ils sont mous et nécessitent des conditions de congélation pour stabiliser et protéger leur structure», souligne Vasiliki Tileli.

«Cette technique sophistiquée sera utile non seulement pour faciliter la fabrication en série des PEMFC grâce à une utilisation optimisée du platine, mais aussi pour de nombreuses applications différentes dans les domaines de la science des matériaux et de l’énergie, par exemple, le stockage des batteries, l’électrolyse de l’eau et les systèmes de conversion de l’énergie en général.»