Un bout d’histoire du PSI entame un long voyage

Bien emballé dans une caisse en bois solide, un composant de haute technologie du PSI s’en va pour l’Australie. L’appareil a fonctionné pendant plus d’une décennie au PSI. L’arrivée du laser à rayons X à électrons libres suisse SwissFEL l’a mis à la retraite. Une nouvelle tâche l’attend désormais à l’Australian Synchrotron à Melbourne.
Thomas Schmidt dans la halle de la SLS. À l’arrière-plan, l’élément d’insertion, qui pèse plusieurs tonnes, est prêt pour le transport. Après avoir servi à la recherche au PSI pendant plus d’une décennie, cet appareil de haute technologie a trouvé une nouvelle place à l’Australian Synchrotron. (Photo: Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic)

Le pont roulant soulève doucement l’appareil. Sur l’écran extérieur de la grue, le poids indiqué augmente rapidement, redescend, puis se stabilise lentement autour de 11,5 tonnes. C’est principalement à la structure en acier de l’élément d’insertion que l’on doit une telle charge. En effet, les aimants de la machine produisent des forces d’attraction de plusieurs tonnes. Pour être en mesure de résister à des puissances de champ de cet ordre, la structure de l’appareil doit être massive. Dans les accélérateurs de particules, la disposition périodique des aimants est utilisée pour dévier les électrons et produire le rayonnement du synchrotron, une forme particulière de rayonnement X.

Travail pionnier au PSI

Au PSI, cet élément d’insertion a joué un rôle bien particulier. Après la conférence d’un collègue américain sur la génération d’impulsions de rayons X ultracourtes, il est devenu évident pour les deux physiciens Gerhard Ingold et Thomas Schmidt, que la Source de Lumière Suisse SLS offrait les conditions idéales pour réaliser un tel procédé. Cette technique appelée femtoslicing permet de rendre visibles des processus extrêmement rapides, par exemple des réactions chimiques.

«Nous avons effectué les premiers calculs juste après la conférence. Quelques jours plus tard, le projet était né et Gerhard Ingold en prenait les rênes. Trois ans plus tard, il permettait de produire les premiers rayons X «durs» du monde dans le domaine des femtosecondes, c’est-à-dire un rayonnement X à haute teneur énergétique avec des pulsations de l’ordre de 0,000 000 000 000 1 seconde», se souvient Thomas Schmidt, responsable du groupe chargé des éléments d’insertion au PSI. L’approche des deux physiciens consistait à utiliser le puissant champ magnétique de cet appareil en guise de modulateur afin de faire résonner les électrons avec un laser infrarouge externe et, de cette manière, transmettre les longueurs d’impulsion de ce dernier au rayonnement X. Puisque seule une petite fraction d’électrons est utilisée, à savoir ceux qui se superposent à l’impulsion laser, on parle de «slicing» («trancher», en anglais).

Une extrême prudence est de mise pour emballer l’élément d’insertion. L’appareil ne doit pas être endommagé durant son long voyage maritime afin d’arriver en parfait état à Melbourne.(Photo: Institut Paul Scherrer/Mahir Dzambegovic)

Le projet a donné matière à de nombreuses publications. Les scientifiques ont réalisé des expériences avec différents échantillons et développé des détecteurs inédits, permettant aussi de traiter les unités d’information extrêmement rapides. Les résultats de leurs travaux ont joué un rôle important dans la construction des lasers à électrons libres qui sont actionnés par des accélérateurs linéaires et, indirectement, dans celle du laser à rayons X à électrons libres suisse SwissFEL, sur lequel les premières expériences pilotes ont été réalisées à partir de 2017. Mais cette innovation a aussi marqué la fin de l’installation de femtosliçage et, dans le même temps, de l’élément d’insertion. «Avec le SwissFEL, nous sommes en mesure de produire des impulsions lumineuses plus intenses et encore plus brèves qu’avec l’installation d’origine. Nous pouvons ainsi reproduire des processus extrêmement rapides avec une résolution encore plus élevée», explique Thomas Schmidt.

Depuis, l’élément d’insertion est resté inutilisé dans la halle du SLS.

Un fabricant important en Sibérie

Les éléments d’insertion sont des instruments d’une extrême précision pour lesquels la demande est minimale. C’est pourquoi, dans le monde, très peu de fabricants sont en mesure de construire ces appareils complexes. Le fournisseur le plus important de wigglers (des éléments d’insertion construits de manière particulière) se trouve en Russie. En raison de la guerre et des sanctions internationales contre ce pays, l’importation de ces appareils rares a toutefois cessé dans de nombreux pays.

«Soudain, des membres de notre réseau européen pour les sources de lumière synchrotron (la League of European Accelerator-based Photon Sources, LEAPS) ont demandé des wigglers d’occasion, se souvient Thomas Schmidt. SOLARIS, le Centre national de rayonnement synchrotron en Pologne, fut le premier à chercher un exemplaire inutilisé. Nous avons immédiatement répondu et transmis les plans du dispositif. Malheureusement, ce dernier n’était pas compatible avec l’installation sur place.» Peu de temps après, c’est l’Organisation australienne de la science et de la technologie nucléaires qui a fait une demande identique, souhaitant équiper d’un wiggler son synchrotron de Melbourne. Cette fois-ci, les plans se sont avérés compatibles.

De Villigen à Melbourne

L’élément d’insertion se balance lentement au bout de la grue. La palette en bois est déjà à sa place et l’appareil de plusieurs tonnes descend avec précision pour se poser sur celle-ci. Les deux collaborateurs de l’entreprise cargopack tägi AG, rompus à ce genre d’opérations, s’attèlent à emballer la machine. Après avoir été vaporisée avec un produit anti-corrosion, qui la protégera de l’eau salée et donc de la rouille durant son long voyage en mer, elle est enveloppée dans du plastique. Les parois en bois robustes sont ensuite montées et la caisse fermée par un couvercle. Un gerbeur spécialement homologué pour de telles charges achemine la caisse à l’extérieur et la dépose dans un camion, qui prendra la direction de Rotterdam. Là, elle sera placée dans un conteneur pour un long voyage en haute mer jusqu’à l’autre bout du monde.

La finalité de réseaux internationaux tels que LEAPS est d’identifier les besoins et d’y apporter des solutions pour mieux s’entraider. Cette mission souligne une fois de plus leur importance pour la recherche. Soigneusement emballé, l’élément d’insertion qui a servi à d’intenses recherches au PSI jusqu’en 2017 est désormais destiné à la production de rayonnement synchrotron, la tâche pour laquelle il a été conçu à l’origine. D’ici là, nous lui souhaitons bon voyage.

Contact

Thomas Schmidt
Groupe Insertion Device
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 45 92, e-mail: thomas.schmidt@psi.ch (allemand, anglais)