Un micro-résonateur en anneau avec un énorme potentiel

Des chercheurs de l’EPFL ont développé un dispositif hybride qui améliore significativement la technologie laser existante et omniprésente.
The micro-resonator being activated by a semi-conductor laser. © 2023 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

L’équipe du Photonic Systems Laboratory (PHOSL) de l’EPFL a développé une source laser à l’échelle de la puce qui améliore les performances des lasers à semi-conducteurs tout en permettant la génération de longueurs d’onde plus courtes. Ce travail précurseur, mené par la professeure Camille Brès et le chercheur postdoctoral Marco Clementi de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL, représente une avancée significative dans le domaine de la photonique, tout en impactant les télécommunications, la métrologie et d’autres applications de haute précision.

L’étude, publiée dans la revue Light: Science & Applications, révèle comment les chercheurs du PHOSL, en collaboration avec le Laboratory of Photonics and Quantum Measurements, ont réussi à intégrer des lasers à semi-conducteurs à des circuits photoniques en nitrure de silicium contenant des micro-résonateurs. Cette intégration permet d’obtenir un dispositif hybride capable d’émettre une lumière très uniforme et précise dans le proche infrarouge et dans le spectre visible, comblant ainsi une lacune technologique qui a longtemps représenté un défi pour l’industrie.

«Les lasers à semi-conducteurs sont omniprésents dans la technologie moderne, on les retrouve dans tout, aussi bien dans les smartphones que dans les communications par fibre optique. Cependant, leur potentiel a été limité par un manque de cohérence et l’incapacité à générer efficacement la lumière visible», explique professeure Brès. «Notre travail améliore non seulement la cohérence de ces lasers, mais il déplace également leur émission vers le spectre visible, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités d’utilisation.»

La cohérence, dans ce contexte, fait référence à l’uniformité des phases des ondes lumineuses émises par le laser. Une cohérence élevée signifie que les ondes lumineuses sont synchronisées, conduisant à un faisceau avec une couleur ou une fréquence très précise. Cette propriété est essentielle pour les applications où la précision et la stabilité du faisceau laser sont primordiales, telles que le chronométrage et la détection de précision.

Le micro-résonateur est activé par un laser à semi-conducteur. © 2023 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Précision accrue et fonctionnalité améliorée

L’approche de l’équipe consiste à coupler des lasers à semi-conducteurs disponibles dans le commerce avec une puce au nitrure de silicium. Cette puce minuscule est créée avec la technologie CMOS, standard et rentable. Grâce aux propriétés exceptionnelles de faible perte du matériau, il n’y a que peu voire pas de lumière qui est absorbée ou s’échappe. La lumière du laser à semi-conducteur circule à travers des guides d’ondes microscopiques dans des cavités extrêmement petites, où le faisceau se retrouve piégé. Ces cavités, appelées micro-résonateurs, sont conçues avec minutie pour résonner à des fréquences spécifiques, amplifiant sélectivement les longueurs d’onde souhaitées tout en atténuant les autres, ce qui permet d’obtenir une cohérence accrue dans la lumière émise.

L’autre réalisation importante du système hybride est sa capacité à doubler la fréquence de la lumière provenant du laser à semi-conducteurs commercial, permettant ainsi de passer du spectre proche infrarouge au spectre visible. La relation entre fréquence et longueur d’onde est inversement proportionnelle, ce qui signifie que si la fréquence est doublée, la longueur d’onde est réduite de moitié. Bien que le spectre proche infrarouge soit exploité pour les télécommunications, des fréquences plus élevées sont essentielles pour construire des dispositifs plus petits et plus efficaces qui nécessitent des longueurs d’onde plus courtes, comme les horloges atomiques et les dispositifs médicaux.

Ces longueurs d’onde plus courtes sont obtenues lorsque la lumière piégée dans la cavité subit un processus appelé poling entièrement optique, qui induit ce qu’on appelle la non-linéarité de second ordre dans le nitrure de silicium. Dans ce contexte, la non-linéarité signifie qu’il y a un changement significatif, un saut de magnitude, dans le comportement de la lumière qui n’est pas directement proportionnel à sa fréquence, résultant de son interaction avec le matériau. Normalement, le nitrure de silicium ne subit pas cet effet non linéaire spécifique de second ordre, et l’équipe a réalisé une élégante prouesse d’ingénierie pour l’induire: le système tire parti de la capacité de la lumière, lorsqu’elle résonne à l’intérieur de la cavité, pour produire une onde électromagnétique qui provoque les propriétés non linéaires du matériau.

Une technologie habilitante pour les applications futures

«Nous ne nous contentons pas d’améliorer la technologie existante, nous repoussons aussi les limites des possibilités offertes par les lasers à semi-conducteurs», explique Marco Clementi, qui a joué un rôle clé dans le projet. «En comblant le fossé entre les télécommunications et les longueurs d’onde visibles, nous ouvrons la porte à de nouvelles mises en application dans des domaines comme l’imagerie biomédicale et la chronométrie de précision.»

La professeure Camille Brès et Marco Clementi au laboratoire. © 2023 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

L’une des applications les plus prometteuses de cette technologie est en métrologie, en particulier dans le développement des horloges atomiques compactes. L’histoire des progrès de la navigation repose sur la portabilité de garde-temps précis, depuis la détermination de la longitude en mer au XVIe siècle jusqu’à la précision de la navigation des missions spatiales et l’amélioration de la géolocalisation aujourd’hui. «Cet important progrès jette les bases des technologies futures, dont certaines restent à concevoir», souligne Marco Clementi.

Grâce à ses connaissances approfondies de la photonique et de la science des matériaux, l’équipe pourrait concevoir des dispositifs plus petits et plus légers et réduire la consommation d’énergie et les coûts de production des lasers. Leur capacité à adopter un concept scientifique fondamental et à le traduire en une application pratique à l’aide de la fabrication standard de l’industrie souligne le potentiel de résolution de défis technologiques complexes qui peuvent mener à des avancées imprévues.