Tests PCR rapides sur simple pression d'un bouton

Les chercheurs de l'ETH Zurich Michele Gregorini et Philippe Bechtold ont mis au point un appareil de test PCR qui peut facilement être utilisé hors laboratoire et qui permet d'obtenir des résultats en moins de 30 minutes. Les deux jeunes entrepreneurs concentrent désormais leurs efforts sur l'homologation de l'appareil pour un usage médical.
Philippe Bechtold (à gauche) et Michele Gregorini sont beaucoup moins souvent au laboratoire depuis qu'ils ont fondé leur propre entreprise. (Image: Alessandro Della Bella/ETH Zurich)

Lorsque Michele Gregorini a postulé pour son projet de doctorat il y a cinq ans, il s'est retrouvé dans le même bureau que celui dans lequel nous discutons avec lui aujourd'hui. En face de lui était assis Wendelin Stark, professeur au département de chimie et de biosciences appliquées.C'est lui qui a suggéré à Michele Gregorini, 26 ans, ingénieur mécanicien originaire de Milan, de mettre au point un dispositif de test PCR plus rapide et plus facile à utiliser que les modèles classiques.

Les souvenirs de cette journée sont encore gravés dans la mémoire de Michele Gregorini. «À ce moment-là, je ne savais même pas ce que signifiait PCR - et encore moins comment la méthode fonctionnait!» dit-il en souriant. C'était début 2016, et il venait de rentrer d'Australie où il avait passé un an à travailler pour une start-up du secteur de l'énergie solaire après avoir terminé ses études à l'ETH Zurich.

Aujourd'hui, Michele Gregorini est le PDG de sa propre entreprise récemment créée - et le dispositif PCR qu'il a développé dans le cadre de son projet de doctorat est leur produit phare. Cela fait presque un an qu'il a fondé diaxxo, la start-up de l'ETH Zurich, avec Philippe Bechtold, un ingénieur chimiste luxembourgeois de 26 ans qui a également rejoint le groupe de recherche de Wendelin Stark pour faire son doctorat, lequel est maintenant en phase finale.

Mais les deux jeunes entrepreneurs ne se contentent pas de lancer un nouveau dispositif médical, ils espèrent aussi changer fondamentalement la manière dont les tests PCR sont utilisés en médecine.

Un test PCR pour quelques francs suisses seulement

Les tests PCR sont depuis longtemps la référence pour le diagnostic des maladies infectieuses, même avant la pandémie de coronavirus. Afin de déterminer l'agent pathogène exact responsable d'une infection respiratoire, un médecin effectue un prélèvement de gorge et envoie l'échantillon à un laboratoire médical pour analyse. Il faut généralement plusieurs jours pour obtenir les résultats, qui permettent de confirmer si le patient souffre d'une grippe, d'une pneumonie ou d'un simple rhume.

Michele Gregorini et Philippe Bechtold étaient déterminés à rendre ce processus plus facile et, surtout, plus rapide. Ils imaginent un avenir où le personnel de santé pourra effectuer des tests PCR directement sur le lieu de soins - et obtenir les résultats en moins de 30 minutes. Cela permettrait aux patientes et patients d'obtenir le traitement dont ils ont besoin dès leur premier rendez-vous.

«Cela permettrait de gagner beaucoup de temps et d'être beaucoup moins cher», explique Michele Gregorini. Leur objectif est que le test ne coûte que quelques francs suisses. Philippe Bechtold ajoute que cela ouvrirait enfin la porte aux tests PCR dans les pays en développement, qui manquent souvent de fonds pour effectuer des analyses de laboratoire.

Une cartouche de test de la taille d'une dosette de café

Les fondateurs de la start-up travaillent sur leur appareil PCR depuis cinq ans. Ils ont développé eux-mêmes chaque aspect du premier prototype, du boîtier et de l'électronique au logiciel et à la cartouche de test remplaçable dans laquelle la réaction biochimique a lieu. Cette cartouche, dont la taille et la forme sont similaires à celles d'une dosette de café, constitue l'innovation la plus importante du nouveau dispositif.

Au lieu de la méthode classique consistant à mélanger les réactifs PCR dans un tube en plastique, la solution de diaxxo fonctionne en pipettant simplement une gouttelette de l'échantillon des patientes et patients directement dans l'un des puits de la cartouche en aluminium. Le métal conduisant beaucoup mieux la chaleur que le plastique, le nouveau dispositif peut chauffer et refroidir les réactifs beaucoup plus rapidement que les dispositifs conventionnels.

C'est important, car la réplication du matériel génétique de l'agent pathogène repose sur des cycles de réaction composés de plusieurs étapes qui sont réalisées à différentes températures allant de 55 à 95 degrés Celsius. L'exécution d'un de ces cycles prend un peu moins de 20 secondes dans le nouveau dispositif, contre deux minutes et demie dans un dispositif classique. Le temps nécessaire à la réalisation d'un test PCR à 45 cycles passe ainsi de plus de deux heures à un peu moins de 20 minutes, ce qui est similaire au temps nécessaire à la réalisation d'un test antigénique rapide.

Le nouveau dispositif élimine également la nécessité de pipeter minutieusement plusieurs réactifs PCR dans un récipient d'échantillon. Au lieu de cela, la solution de diaxxo consiste à livrer les réactifs en tant que partie intégrante de l'emballage - lyophilisés et déposés au fond de chaque puits. Cette solution présente également l'avantage de permettre le stockage à température ambiante de kits de test pour différents agents pathogènes pendant une période pouvant aller jusqu'à six mois.

La pandémie donne un coup de pouce au projet

Les deux entrepreneurs ont rencontré de nombreux défis lorsqu'il s'est agi de mettre au point une méthode fiable. Philippe Bechtold a passé beaucoup de temps à perfectionner un processus de séchage des réactifs qui garantit qu'ils se mélangent correctement à l'échantillon le moment venu. «C'était l'une des tâches les plus difficiles», dit-il, en se rappelant combien il était difficile de fixer les réactifs assez fermement dans les puits pour que les cartouches puissent être transportées en toute sécurité.

Mais le plus grand tournant de tous s'est produit au printemps 2020 avec l'émergence de la pandémie de coronavirus. «Tout d'un coup, il y avait cette énorme demande pour le dispositif médical au cœur de notre projet de recherche», explique Michele Gregorini. Avant même que le virus ne soit arrivé en Suisse, les ingénieurs ont commencé à développer une cartouche pour détecter le SRAS-Cov-2 - leur tout premier test de diagnostic.

À partir de là, c'est l'effet boule de neige. Les deux chercheurs ont obtenu leur première bourse du programme «Bridge» du Fonds national suisse de la recherche scientifique, rapidement suivie de financements pour le coronavirus provenant de diverses autres sources. En septembre 2020, Michele Gregorini et Philippe Bechtold ont été acceptés dans le programme ETH Pioneer Fellowship; en octobre, ils ont fondé leur entreprise, diaxxo.

Du développement à la gestion

Aujourd'hui, diaxxo emploie 12 personnes au sein d'une équipe croissante de spécialistes du matériel et des logiciels, de biotechnologues et d'ingénieur·es électricien·nes. Ensemble, ils et elles améliorent sans cesse le dispositif de PCR pour le rendre prêt à être commercialisé.

Dans le même temps, les deux fondateurs ont délaissé le développement du produit pour se consacrer davantage à la gestion. Ils passent désormais le plus clair de leur temps à répondre aux questions de l'équipe, à préparer des présentations pour les bailleurs de fonds potentiels et à communiquer par courrier électronique avec les partenaires du projet. Ce n'est qu'en début de soirée, alors que la plupart de ses collègues sont déjà rentrés chez elles et eux, que Michele Gregorini trouve enfin le temps de vérifier comment les choses avancent dans leur atelier à l'ETH Zurich.

L'étude sur le terrain à Zanzibar fournit des informations importantes

Pendant ce temps, leur clientèle potentielle ne cesse d'augmenter. De nouvelles demandes arrivent chaque jour, y compris l'intérêt d'une grande compagnie de croisière. Mais comme le dispositif est toujours en attente d'approbation en tant que dispositif médical, les fondateurs de l'entreprise ne sont pas autorisés à vendre leurs produits à une clientèle privée et doivent plutôt compter sur des collaborations de recherche. Ces projets conjoints constituent le canal idéal pour améliorer l'adéquation du dispositif à un usage quotidien.

Le projet de diaxxo avec l'Institut Tropical et de Santé Publique Suisse (Swiss TPH) est la plus grande collaboration dans laquelle la start-up s'est engagée jusqu'à présent. Il s'agit d'une étude sur le terrain à Zanzibar, où les dispositifs de diaxxo sont actuellement utilisés pour tester la schistosomiase, une maladie causée par des vers parasites, chez les écolière et écoliers du pays.

Les partenaires de Swiss TPH sont particulièrement enthousiastes à l'égard du nouveau dispositif PCR, car il leur permet d'effectuer des tests sur place dans les écoles. Michele Gregorini et Philippe Bechtold sont disponibles 24 heures sur 24 pour aider les chercheuses et chercheurs à utiliser l'appareil, et ils ont déjà contribué à tout improviser, des mises à jour de logiciels aux manuels de réparation locaux.

Cet environnement en constante évolution est l'une des choses que Philippe Bechtold aime dans son travail: «Chaque jour est une nouvelle occasion d'apprentissage extraordinaire.» Dans le même temps, cependant, les deux fondateurs sont conscients que diaxxo pourrait avoir une durée de vie limitée. «Il est très difficile pour une petite entreprise indépendante dans le secteur des dispositifs médicaux de constituer une gamme de produits suffisamment large pour devenir rentable», explique Michele Gregorini.

L'un des scénarios envisageables est que diaxxo soit rachetée par une plus grande entreprise au cours des prochaines années. Mais pour l'instant, les deux fondateurs sont déterminés à mettre tout ce qu'ils peuvent dans l'entreprise et à voir jusqu'où ils peuvent aller.