EPFL

Mathématicienne talentueuse et cycliste sensationnelle

Docteure en mathématiques, Anna Kiesenhofer travaillait sur les équations différentielles partielles comme postdoctorante à l’EPFL quand elle s’est qualifiée pour l’épreuve de cyclisme sur route pour les Jeux olympiques de Tokyo. A la surprise générale, elle y a décroché la médaille d’or. Pour elle, les parallèles entre mathématiques et cyclisme expliquent sa réussite.
«Un génie des maths qui a déclenché l’un des chocs majeurs de l’histoire olympique.» CNN à propos d’Anna Kiesenhofer, mathématicienne et médaillée d’or aux JO de Tokyo 2021. (©Austrian Olympic Committeee)

La première passion d’Anna Kiesenhofer, ce sont les mathématiques. Sur sa page Internet, on voit un dessin: à l’arrière-plan, des formules mathématiques, au premier plan, elle, assise droite sur son vélo de course, savourant sa victoire. Sa deuxième passion, le cyclisme sur route, l’a amenée aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021. Elle-même se décrit comme «mathématicienne et cycliste. Est née et 
a grandi en Autriche. Vit à Lausanne depuis 2017. Minimaliste, introvertie, attirée par l’insolite. Médaille d’or 2021 à Tokyo». Sa devise: «ose être différente.» Différente pour réussir l’insolite – ce pourrait être le résumé des trente premières années d’Anna Kiesenhofer. 

«Dans le cyclisme, les mathématiques sont omniprésentes. Il est question d’aérodynamisme, de développements techniques. De potentiels individuels de performance qui peuvent  s’améliorer par la modélisation.»      Anna Kiesenhofer

Ces premières années furent d’abord placées sous le signe de sa première passion, les mathématiques. Pourquoi cette matière? «Parce qu’elles sont plus exactes que la physique». A. Kiesenhofer passe son bachelor à la Technische Universität de Vienne, puis obtient un master en mathématiques pures à l’Université de Cambridge. A cette époque, elle pratique le triathlon. En 2016, science et sport se rapprochent. A. Kiesenhofer décroche son doctorat à l’Universitat Politècnica de Catalunya de Barcelone, avec une thèse sur les «Systèmes intégrables sur des variétés b-symplectiques» qui lui vaut la meilleure mention excellent cum laude. Elle travaille alors sur des «systèmes mécaniques abstraits qui peuvent se décrire dans des espaces mathématiques» et «veut poursuivre dans le milieu universitaire».

Après une blessure, elle reporte ses ambitions sportives sur le vélo et gagne sa première course élite nationale, l’année de son doctorat, en Espagne. Le sport entre de plus en plus dans sa vie. Elle finit par signer un contrat avec une équipe de cyclisme, mais se rend vite compte que la vie de cycliste professionnelle ne lui convient pas. Elle poursuit son parcours universitaire qui semble tout tracé. Elle entre à l’EPFL comme collaboratrice scientifique, une école où elle peut continuer à travailler sur son domaine de recherche, les équations différentielles partielles, et enseigner comme postdoctorante dans différentes filières de bachelor. Un pas de plus sur le chemin d’une carrière universitaire.

L'année 2021 marque un tournant. Suite à un changement en interne, elle décroche son ticket pour l’épreuve de cyclisme olympique. L’amatrice est la seule à défendre les couleurs de l'Autriche face à des nations qui alignent des équipes professionnelles et une bonne demi-douzaine de concurrentes au dé-
part. A. Kiesenhofer se présente en solitaire: sans entraîneur, sans équipe, ne faisant confiance qu’à ses forces et à ses propres programmes d’entraînement qu’elle suit avec discipline, volonté et une méticulosité de scientifique. Mais elle connaît surtout son endurance phénoménale. Dans cet état d’esprit, elle s’engage dans la course de 137 kilomètres qu’elle dominera du début à la fin. 

«Trois facteurs auront été déterminants pour ma victoire: j’ai attaqué de suite et mes adversaires m’ont sous-estimée, pensant qu’elles me rattraperaient et dépasseraient plus tard», analyse A. Kiesenhofer, en toute modestie. «Mais je n’ai pas ralenti et j’ai exploité pleinement mon endurance». Et pour finir, elle a eu la chance de son côté. Le monde du cyclisme est chamboulé. La chaîne de télévision américaine CNN s’enflamme: «Un génie des maths qui a déclenché l’un des chocs majeurs de l’histoire olympique.» Les ondes de choc se propagent jusqu’au Times of India, Arab Times ou China Daily Global. En Autriche, elle est nommée «sportive de l’année».

L’or olympique va tout changer. Elle reçoit désormais les aides financières publiques auxquelles elle ne pouvait pas prétendre avant Tokyo. Et elle peut dire ce qu’elle n’aurait jamais osé dire auparavant: «Je suis une sportive professionnelle.» D’autant plus que son poste de postdoctorante est arrivé à son terme 
à l’EPFL, qui est devenue son point d’attache à titre privé. Le sport professionnel prend le dessus. Mais elle ne tire pas un trait sur sa carrière universitaire.

Les parallèles entre science et sport sont trop évidents pour elle: les deux exigent passion, détermination, précision et discipline. Et dans le cyclisme, les mathématiques sont omniprésentes. Il est question d’aérodynamisme, de développements techniques. De potentiels individuels de performance qui peuvent s’améliorer par la modélisation. La une de CNN a du vrai: le fait qu’une mathématicienne soit devenue championne olympique sur route n’est pas que le résultat d’une robustesse physique hors norme. A. Kiesenhofer a une idée derrière la tête pour la suite, une fois sa carrière de sportive terminée: se lancer dans la science du sport. Elle imagine qu’elle sera contente de faire travailler ses neurones et reste ainsi fidèle à sa devise: «ose être différente.»