La stabilisation des polarons ouvre de nouveaux horizons

Des physiciennes et physiciens de l’EPFL ont développé une formulation qui permet de résoudre le problème ancien de l’auto-interaction des électrons lors de l’étude des polarons, des quasi-particules créées par les interactions électron-phonon dans les matériaux. Leurs travaux peuvent aboutir à des calculs sans précédent des polarons dans les grands systèmes, à des études systématiques de vastes ensembles de matériaux et à une dynamique moléculaire évoluant sur de longues périodes.
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L’une des nombreuses particularités de la mécanique quantique est que les particules peuvent également être décrites comme des ondes. Un exemple courant est le photon, la particule associée à la lumière.

Dans les structures ordonnées appelées cristaux, on peut voir et décrire les électrons comme des ondes qui se propagent dans l’ensemble du système, une image plutôt harmonieuse. Quand les électrons se déplacent dans le cristal, les ions – atomes portant une charge négative ou positive – sont disposés de façon périodique dans l’espace.

Maintenant, si l’on devait ajouter un électron au cristal, sa charge négative pourrait éloigner les ions qui l’entourent de leur position d’équilibre. La charge de l’électron se localiserait dans l’espace et se couplerait aux distorsions – «de réseau» – structurelles environnantes du cristal, donnant lieu à une nouvelle particule nommée polaron.

«Techniquement, un polaron est une quasi-particule composée d’un électron “habillé” par ses phonons auto-induits, qui représentent les vibrations quantifiées du cristal», explique Stefano Falletta de la Faculté des sciences de base de l’EPFL. Il poursuit: «La stabilité des polarons provient de la compétition entre deux contributions énergétiques: le gain dû à la localisation des charges et le coût dû aux distorsions de réseau. Lorsque le polaron se déstabilise, l’électron supplémentaire se délocalise sur l’ensemble du système, tandis que les ions retrouvent leur position d’équilibre.»

Formation d’un polaron dans des atomes d’oxyde de magnésium. Crédit: S. Falletta (EPFL)

Formation d’un polaron dans des atomes d’oxyde de magnésium. Crédit: S. Falletta (EPFL)

En collaboration avec le professeur Alfredo Pasquarello de l’EPFL, ils ont publié deux articles dans Physical Review Letters et Physical Review B qui décrivent une nouvelle approche permettant de résoudre un défaut majeur d’une théorie bien établie que les physiciennes et physiciens utilisent pour étudier les interactions des électrons dans les matériaux. La méthode est appelée théorie de la fonctionnelle de densité ou DFT. Elle est utilisée en physique, en chimie et en science des matériaux pour étudier la structure électronique de systèmes à plusieurs corps comme les atomes et les molécules.

La DFT est un outil puissant qui permet de réaliser des calculs ab-initio de matériaux, par le traitement simplifié des interactions des électrons. Toutefois, la DFT est sensible aux interactions parasites de l’électron avec lui-même, ce que les physiciennes et physiciens nomment «problème d’auto-interaction». Cette auto-interaction est l’une des plus importantes limites de la DFT, entraînant souvent une description incorrecte des polarons qui sont souvent déstabilisés.

«Dans nos travaux, nous abordons une formulation théorique de l’auto-interaction des électrons qui résout le problème de localisation des polarons dans la théorie de la fonctionnelle de densité », déclare Stefano Falletta. «Cela permet d’obtenir des stabilités précises des polarons dans un schéma efficace en termes de calcul. Nos travaux ouvrent la voie à des calculs sans précédent des polarons dans les grands systèmes, à des études systématiques de vastes ensembles de matériaux et à une dynamique moléculaire évoluant sur de longues périodes.»