Un propulseur de robots pour explorer les grottes lunaires

Un étudiant de l’EPFL a conçu un exosquelette capable de projeter des robots explorateurs dans les tunnels sous la surface de la lune.
Lucas Froissart effectue des tests sur le chantier de la RTS. (© Alain Herzog 2022 / EPFL)

Des grottes inexplorées par l’homme se cachent à une centaine de mètres sous la surface de la lune. Cela fait une dizaine d’années qu’elles ont été découvertes, mais aucun astronaute ne s’y est encore risqué. Les agences spatiales veulent d’abord envoyer des robots pour visiter ces cavités dont nous ne possédons que très peu d’informations. « Sur la surface de la lune, il fait 150 degrés la journée et -150 degrés la nuit. Dans ces caves souterraines, accessibles par des cheminées verticales naturelles, la température est de -30 degrés et il n’y a pas de radiations. On peut donc imaginer que ces endroits constitueraient une base de repli très intéressante puisque le climat s’avère constant et tolérable pour l’être humain », affirme Lucas Froissart, un étudiant de la faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL.

Illustration d'une cave lunaire © 2022 EPFL

© 2022 EPFL

Des balles en guise de robots

Durant son master en génie mécanique, Lucas Froissart a décroché un stage à l’agence spatiale japonaise. Les consignes qu’on lui a données étaient succinctes : en six mois, il devait concevoir un mécanisme capable de propulser six robots explorateurs dans les tunnels lunaires. « Je n’ai même pas pu voir à quoi ressemblaient ces robots. On m’a juste dit qu’ils correspondaient à une balle de gymnastique en ce qui concerne le poids, la taille et la rigidité », explique le jeune scientifique.

Après avoir acheté les balles en question, Lucas Froissart s’est mis au travail. Il a construit un exosquelette qui regroupe les six robots. Situation sanitaire oblige, il n’a pas pu se rendre à Tokyo pour son stage. Il est resté en Suisse et a échangé avec ses collègues japonais par vidéoconférence. Le professeur Auke Ijspeert de l’EPFL l’a accueilli dans son laboratoire.

Une chute de 20 mètres

« L’idée est de laisser tomber la structure dans la cheminée lunaire qui mesure une centaine de mètres. Quand le mécanisme touche le sol, les trois robots explorateurs sont propulsés à 45 degrés afin d’aller le plus loin possible dans la grotte. Les trois autres sont simplement libérés sur place, leur but étant de récolter des données immédiates », explique l’ingénieur. Lucas Froissart a dû tester son système en tenant compte de la hauteur de la chute, mais aussi de l’absence d’air sur la lune et de l’apesanteur. Après divers calculs, Lucas Froissart est arrivé à la conclusion que pour simuler des conditions semblables à celle sur la lune il lui fallait lâcher son exosquelette à une hauteur de 20 mètres sur la Terre.

Lucas Froissart avec son prototype © Alain Herzog 2022 EPFL

En passant devant les grues et les constructions du chantier de la RTS, à côté de l’EPFL, Lucas Froissart a trouvé le lieu idéal. Après avoir discuté avec le maître d’œuvre, ce dernier lui a donné son accord pour utiliser un des échafaudages pour larguer son mécanisme. « Les ouvriers m’ont même fabriqué un bac avec une tonne et demie de sable pour la réception. » Après plusieurs centaines d’essais, l’ingénieur a atteint son objectif : les balles sont propulsées à plusieurs mètres dès que la structure touche le sol. Selon lui, l’agence spatiale japonaise s’est montrée enthousiaste et a décidé d’approfondir son idée. « On la retrouvera peut-être d’ici quelques années sur la lune », se réjouit-il.

Lucas Froissart qui a toujours voulu travailler dans le domaine spatial a récemment trouvé un emploi dans la construction de satellites et de coiffes de fusées à Zürich. « C’est mon expérience avec l’agence spatiale japonaise qui m’a fait décrocher cet emploi. »

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Références

Stephane Bonardi, Lucas Froissart, Toshihisa Nikaido, Auke Ijspeert, Takashi Kubota, "Robotic Exoskeletons for Payload Transportation in Lunar Caves", in the 33rd International Symposium on Space Technology and Science (ISTS), 2022.