Un espoir pour les personnes atteintes d'une maladie rare grave

De nouvelles recherches offrent des avantages potentiels aux personnes atteintes de la maladie métabolique héréditaire de l'acidurie méthylmalonique. En combinant les résultats de plusieurs analyses moléculaires, les scientifiques peuvent mieux diagnostiquer cette maladie rare et grave. À l'avenir, une meilleure compréhension de la maladie pourrait également améliorer les options de traitement.
Dans l'acidurie méthylmalonique, un métabolite spécifique s'accumule dans l'organisme. Cela conduit souvent les patientes et patients à nécessiter des soins médicaux intensifs (image d'illustration). (Photo : Hôpital universitaire d'enfants de Zurich / Valérie Jaquet)

L'acidurie méthylmalonique (AMM) est un trouble métabolique qui touche environ un nouveau-né sur 90'000 ; les deux parents devant être porteurs d'une prédisposition génétique à la maladie, elle est donc rare. Les conséquences sont graves : une enzyme dont ces jeunes patients et patientes ont besoin pour le métabolisme énergétique est défectueuse. En conséquence, un métabolite spécifique, qui est habituellement décomposé pour créer de l'énergie, s'accumule au contraire dans l'organisme et cause des dommages. L'AMM est considérée comme incurable. Bien que les médecins puissent offrir un certain degré d'aide, les patientes et patients peuvent connaître un retard de croissance, une insuffisance rénale et de graves troubles neurologiques. Les enfants et les adolescents et adolescentes atteintes se déplacent souvent en fauteuil roulant et ne survivent pas toujours jusqu'à l'âge adulte.

Le réseau est source de succès

L'Hôpital universitaire pour enfants de Zurich est l'un des principaux centres mondiaux de diagnostic et de traitement de cette maladie. Des échantillons de patientes et patients du monde entier sont envoyés à Zurich pour y être diagnostiqués. Dans le cadre d'un vaste projet interdisciplinaire, des scientifiques de diverses institutions de recherche suisses ont étudié en détail 210 biopsies. Ils et elles ont examiné non seulement tous les gènes (ADN) des cellules des patients et patientes, mais aussi les transcriptions ARN de ces gènes et de nombreuses protéines.

C'est la première fois que l'AMM est étudiée à l'aide d'une approche multi-omique (génomique, transcriptomique, protéomique, métabolomique). Les travaux ont été initiés et financés par le domaine d'intérêt stratégique Santé personnalisée et technologies associées (PHRT) du domaine des EPF et ont impliqué des chercheurs et chercheuses de l'Hôpital universitaire pour enfants de Zurich, de l'ETH Zurich, de l'EPFL, de l'Université de Zurich et du Health 2030 Genome Center de Genève. L'analyse moléculaire a été réalisée au Swiss Multi-Omics Center (SMOC) du PHRT à Zurich.

Amélioration de la précision du diagnostic

Jusqu'à présent, les médecins s'appuyaient principalement sur le séquençage de l'ADN pour le diagnostic génétique de l'AMM. Cependant, cette approche a conduit à des cas répétés où le bon diagnostic a été négligé, rapporte Sean Froese, chef de groupe de recherche à l'Hôpital universitaire pour enfants de Zurich et co-auteur principal de l'étude. Des travaux antérieurs ont montré que seuls un tiers à la moitié des cas peuvent être correctement diagnostiqués de cette manière. «La raison en est que tout le monde, même les individus en bonne santé, présente de nombreuses mutations génétiques naturelles qui n'ont pas d'impact apparent sur la santé humaine. Il est donc difficile de trouver celle ou celles qui causent réellement la maladie», explique Bernd Wollscheid, professeur au département des sciences et technologies de la santé de l'ETH Zurich, chef du comité exécutif de la PHRT et co-auteur de l'étude.

En choisissant d'élargir considérablement leur investigation moléculaire, les chercheurs et chercheuses ont considéré non seulement la cause génétique de la maladie mais aussi ses conséquences en termes d'ARN, de protéines et de fonction des protéines. Cela a permis au consortium, dans le cadre de cette étude, de mettre au point une stratégie de diagnostic qui a permis de diagnostiquer correctement 84% des patientes et patients examinés. «À l'avenir, notre nouvelle méthode augmentera considérablement les chances des patients  et patientes de recevoir un diagnostic correct», déclare Patrick Forny, médecin principal à l'Hôpital universitaire pour enfants de Zurich et co-auteur principal de l'étude. «Cela permettra d'administrer le traitement adéquat à un stade beaucoup plus précoce».

Nouvelle approche thérapeutique

Les données multi-omiques ont également montré que les patients et patientes atteintes d'AMM utilisent une source d'énergie alternative pour faire face au fait qu'une enzyme vitale est défectueuse. Cependant, chez elles et eux, cette source d'énergie alternative n'est généralement pas en mesure de compenser suffisamment la perte de production d'énergie. Dans des expériences in vitro avec des cellules de patients et patientes, les chercheuses et chercheurs ont réussi à stimuler la production d'énergie à des niveaux proches de la normale en fournissant une telle source d'énergie alternative.

Les recherches futures montreront si cette approche a le même effet sur les modèles animaux et si elle peut déboucher sur une thérapie réalisable pour les patients et patientes. En outre, les chercheuses et chercheurs ont lancé un nouveau projet national interdisciplinaire et interinstitutionnel appelé SwissPedHealth, cofinancé par le PHRT et le Swiss Personalized Health Network (SPHN), afin d'accroître encore l'efficacité du diagnostic et d'étendre l'approche multi-omique à d'autres maladies génétiques.

Référence

Forny P, Bonilla X, Lamparter D, Shao W, Plessl T, Frei C, Bingisser A, Goetze S, van Drogen A, Harshman K, Pedrioli PGA, Howald C, Poms M, Traversi F, Buerer C, Cherkaoui S, Morscher RJ, Simmons L, Forny M, Ioannis Xenarios, Aebersold R, Zamboni N, Rätsch G, Dermitzakis E, Wollscheid B, Matthias R. Baumgartner MR, Froese DS: Integrated multi-omics reveals anaplerotic rewiring in methylmalonyl-CoA mutase deficiency. Nature Metabolism, 26 January 2023, doi: 10.1038/s42255-022-00720-8