Les vagues de chaleur deviennent plus fréquentes et plus meurtrières

Le risque de vagues de chaleur mortelles a fortement augmenté au cours des 20 dernières années. À l'avenir, ces conditions météorologiques extrêmes deviendront plus fréquentes et la surmortalité liée à la chaleur augmentera. L'Europe sera particulièrement touchée, comme le montrent les scientifiques de l'ETH Zurich.
Les personnes âgées ont le taux de mortalité le plus élevé pendant les vagues de chaleur. (Image : Adobe Stock)

En bref

  • Les vagues de chaleur entraînant une augmentation des décès dus à la déshydratation, aux coups de chaleur ou au collapsus cardiovasculaire.
  • La surmortalité d'un été chaud comme celui de 2003, qui ne se produit qu'une fois tous les cent ans, est désormais attendue tous les dix à vingt ans et, dans un monde à deux degrés, tous les deux à cinq ans si aucune mesure n'est prise.
  • L'Europe du Sud est particulièrement menacée par l'augmentation des vagues de chaleur, tout comme la région du Golfe, la côte Atlantique des États-Unis, la côte Pacifique de l'Amérique latine, le Moyen-Orient et l'Asie du Sud-Est.

Les vagues de chaleur que nous connaissons actuellement sont particulièrement meurtrières pour les personnes âgées, malades et pauvres. La canicule de 2003, qui a vu les températures atteindre 47,5 degrés Celsius en Europe, a été l'une des pires catastrophes naturelles de ces dernières décennies, faisant, selon les estimations, entre 45'000 et 70'000 victimes en l'espace de quelques semaines. Les forêts ont brûlé, les récoltes ont flétri dans les champs et les services d'urgence des villes étaient pleins à craquer. Globalement, les coûts se sont élevés à environ 13 milliards de dollars américains. Néanmoins, le public reste moins conscient des risques liés aux vagues de chaleur qu'à d'autres phénomènes extrêmes liés au climat. C'est un problème, comme le souligne une étude publiée dans la revue Nature Communications. Des vagues de chaleur comme celle de 2003 pourraient devenir la nouvelle norme dans les années à venir.

Epidémiologie et modélisation climatique combinées

Des chercheurs et chercheuses de l'Institut des décisions environnementales de l'ETH Zurich ont collaboré avec un groupe international d'épidémiologistes pour cette étude. Depuis 2013, elles et ils collectent systématiquement des données sur la surmortalité quotidienne liée à la chaleur dans 748 villes et communautés de 47 pays d'Europe, d'Asie du Sud-Est, d'Amérique latine, des États-Unis et du Canada. Les scientifiques ont utilisé cet ensemble de données pour calculer la relation entre la température quotidienne moyenne et la mortalité pour l'ensemble des 748 localités. À partir de là, ils et elles ont pu déterminer la température idéale de chaque lieu, où la surmortalité est la plus faible. À Bangkok, par exemple, cette valeur est de 30 degrés Celsius, à São Paulo de 23, à Paris de 21 et à Zurich de 18 degrés Celsius.

Modélisation d'extrêmes climatiques physiquement plausibles

Chaque dixième de degré au-dessus de cette valeur idéale augmente la surmortalité. «Toutes les chaleurs ne se valent pas», explique Samuel Lüthi, auteur principal de l'étude et doctorant auprès de David Bresch, professeur de risques météorologiques et climatiques. «La même température a un impact complètement différent sur la surmortalité liée à la chaleur dans les populations d'Athènes et de Zurich. Cela dépend non seulement de la température, mais aussi de la physiologie (acclimatation), du comportement (longues siestes en milieu de journée), de l'urbanisme (espaces verts ou béton), de la structure démographique de la population et du système de santé local.

À partir de cette valeur idéale, les chercheuses et chercheurs ont calculé l'évolution de la surmortalité en cas d'augmentation moyenne de la température mondiale de 0,7 degré (valeur en 2000), de 1,2 degré (valeur en 2020), de 1,5 et de 2 degrés. Ils et elles ont utilisé cinq modèles climatiques particulièrement puissants, connus sous le nom de SMILEs (single-model initial-condition large ensembles). «Nous avons exécuté le même modèle jusqu'à 84 fois, avec des conditions météorologiques légèrement différentes à chaque fois. Cela nous a permis d'obtenir une multitude de systèmes météorologiques possibles susceptibles de se produire en présence d'une certaine quantité de CO2 dans l'atmosphère», explique Samuel Lüthi. Les scientifiques ont ensuite couplé ces données à un modèle épidémiologique pour calculer la mortalité due à la chaleur.

Les projections antérieures de la mortalité liée à la chaleur étaient principalement basées sur des calculs qui utilisaient un modèle climatique sur une période spécifique. «Notre méthode nous permet de quantifier les extrêmes du système climatique de manière beaucoup plus efficace et de réduire les incertitudes qui découlent des idiosyncrasies de certains modèles.» À l'aide de superordinateurs, Samuel Lüthi a calculé l'impact de plus de 7000 ans de phénomènes météorologiques physiquement possibles sur la mortalité liée à la chaleur. L'ensemble des données correspondantes représente plus d'un téraoctet.

Jusqu'à 15% des décès sont liés à la chaleur

Les résultats montrent que le risque de vagues de chaleur entraînant une forte surmortalité a déjà considérablement augmenté au cours des 20 dernières années. «La surmortalité d'un été chaud comme celui de 2003 était auparavant considérée comme un événement extrême, qui ne se produisait qu'une fois par siècle. Nous nous attendons maintenant à ce qu'il se produise une fois tous les 10 à 20 ans», déclare Samuel Lüthi, «ou, dans un monde qui se réchauffe de 2 degrés, tous les deux à cinq ans dans de nombreux endroits». Les chiffres de la mortalité due à la chaleur qui étaient considérés comme hautement improbables en 2000 (une fois tous les 500 ans), se produiront 14 fois tous les 100 ans dans un scénario à 2 degrés. Dans l'hypothèse d'une absence d'adaptation à la chaleur, la probabilité de mortalité au cours de ces vagues de chaleur extrêmes sera multipliée par 69.

Les régions particulièrement exposées à l'escalade des vagues de chaleur sont les côtes américaines du Golfe et de l'Atlantique, la côte pacifique de l'Amérique latine, le Moyen-Orient, l'Asie du Sud-Est et la région méditerranéenne. Même dans des scénarios climatiques modérés, un été chaud dans ces régions peut entraîner dix pour cent des décès dans un pays en raison de la chaleur. Paris a été particulièrement touchée par la canicule de 2003. Cela signifie que dans la seule métropole française, la canicule a entraîné le décès prématuré d'environ 2700 personnes, par déshydratation, coup de chaleur ou crise cardiaque. «D'après nos calculs, jusqu'à 15% des décès à Paris pourraient être liés à la chaleur à l'avenir», précise Samuel Lüthi. L'Europe fait partie des points chauds, en particulier l'Europe du Sud. Deux facteurs entrent en ligne de compte : les températures y augmentent deux fois plus vite que la moyenne mondiale, et la population est disproportionnellement plus âgée.

Des perspectives inquiétantes

«Les résultats m'ont effrayé» , explique le climatologue de 30 ans. «Pendant que je travaillais sur l'étude, j'ai toujours essayé de regarder derrière les chiffres et de voir la vie réelle des personnes qui sont affectées par les changements. C'est inquiétant.» D'autant plus, comme il le souligne, que les hypothèses qui sous-tendent la modélisation sont en fait prudentes. L'étude part du principe que la température moyenne mondiale devrait augmenter de 1,5 à 2 degrés Celsius au maximum, mais si les émissions de gaz à effet de serre se maintiennent à leur niveau actuel, le chiffre le plus probable est de 2,6 degrés. En outre, les scénarios futurs ne tiennent pas compte de la croissance démographique prévue, de la migration vers les villes et de l'augmentation du nombre de personnes âgées, autant de facteurs susceptibles d'accroître encore la surmortalité liée à la chaleur. L'étude manque également de données épidémiologiques pour l'Afrique et l'Inde, deux régions fortement touchées par la crise climatique et la pauvreté.

Comme l'indiquent les scientifiques, ces résultats soulignent l'urgence d'agir. Pour au moins freiner l'augmentation des vagues de chaleur, l'étape la plus importante consiste à éliminer progressivement les combustibles fossiles le plus rapidement possible, affirme Samuel Lüthi. L'étude montre que si le risque est déjà élevé à 1,5 degré, il reste nettement plus faible qu'à 2 degrés. Toutefois, la société peut également s'adapter en partie à des températures plus élevées afin de réduire l'impact des futures vagues de chaleur. «Nous devrions maintenant nous préparer et gérer l'inévitable, tout en évitant à tout prix l'ingérable», recommande Samuel Lüthi.

Référence

Lüthi S, Fairless C, Fischer EM et al. Rapid increase in the risk of heat-related mortality. Nature Communications 14, 4894 (2023). Doi: 10.1038/s41467-023-40599-x