Efficacité énergétique en période de pénurie potentielle d’électricité

Markus Jörg dirige à l’Institut Paul Scherrer PSI le département Infrastructure et installations électriques. Il est donc responsable de l’approvisionnement en électricité du PSI et de ses grandes installations de recherche. Dans cet entretien, il nous explique comment le PSI optimise constamment son efficacité énergétique et se prépare à une éventuelle pénurie d’électricité pour cet hiver.
Markus Jörg dirige le département Infrastructure et installations électriques au PSI. Interrogé sur une éventuelle pénurie d’électricité cet hiver, il explique: «Nous avons examiné de près la situation actuelle et nous sommes prêts à faire face aux scénarios éventuels.» (Photo: Institut Paul Scherrer/Markus Fischer)

Markus Jörg, diriez-vous que le PSI est déjà efficace sur le plan énergétique?

Markus Jörg: Pour nous, l’efficacité énergétique exprime en première ligne un rapport énergie/bénéfice et dépend donc de la valeur du produit obtenu. Toutefois, nous ne fournissons pas un produit industriel classique: ce qui est produit chez nous, ce sont d’importants résultats de recherche. Souvent, ils sont issus d’expériences scientifiques que l’on ne peut conduire nulle part ailleurs et leur valeur est immense. De ce point de vue, je répondrais donc: oui, nous sommes très efficaces sur le plan énergétique.

Et en soi, quelle est la position du PSI en tant qu’institut disposant de plusieurs grandes installations de recherche?

Lorsqu’on l’a conçue il y a 20 ans, la construction de la Source de Lumière Suisse SLS, par exemple, était déjà relativement compacte et efficace en termes énergétiques pour l’époque. Actuellement, le projet de mise à niveau SLS 2.0 est en cours: il améliorera de manière significative l'intensité de la lumière synchrotron dans les stations expérimentales à partir de 2025, tout en réduisant la consommation d'énergie de 30 %. C’est une augmentation extrême de l’efficacité. Nous l’obtenons principalement par l’utilisation des technologies les plus récentes, par exemple en passant des aimants électriques aux aimants permanents, en utilisant des amplificateurs à semi-conducteurs peu gourmands en énergie et en optimisant l’ensemble de la structure de refroidissement notamment en récupérant la chaleur. De plus, une installation photovoltaïque est prévue sur le toit du bâtiment de la SLS. Si l'on tient compte de cela, le bilan énergétique de la SLS sera même réduit de 35 %.

Ailleurs également, nous renouvelons sans cesse les équipements: pour les machines de réfrigération, que nous exploitons à plusieurs grandes installations de recherche et dans différents laboratoires au PSI, on utilisait par le passé des compresseurs à piston. Nous sommes en train de les remplacer par une nouvelle technologie, composée de compresseurs à vis et de turbines modernes dans ce qu’on appelle des Cold Box. Cela permet d’économiser la moitié de l’énergie par rapport à avant.

Le PSI ne se fait donc pas que mener de la recherche sur de nouvelles technologies, il les utilise aussi pour son propre fonctionnement?

Exactement. Etre efficace au niveau énergétique, cela fait partie de notre ADN. Grâce à toutes les optimisations menées sur les grandes installations de recherche existantes et les infrastructures associées, la mise en service du SwissFEL en 2016 n’a pas entraîné à long terme d’augmentation notable de la consommation d’énergie au PSI dans son ensemble.

Le PSI compte aussi de nombreux immeubles de bureau. Comment se présente la situation à ce niveau?

Partout au PSI, des programmes d’amélioration énergétique sont en cours depuis de nombreuses années. Ici, dans le hall devant mon bureau, on a remplacé les tubes fluorescents par des lampes LED et celles-ci sont équipées d’un capteur de luminosité intelligent. Dans le même temps, nous sommes conscients que les grandes installations de recherche utilisent les trois quarts des besoins en énergie du PSI. Mais peu importe la quantité d’énergie économisée: s’il existe une amélioration qui permette à long terme d’économiser de l’énergie, nous la mettons en œuvre. Nous pouvons souvent nous appuyer dans cette démarche sur le programme ProKilowatt de la Confédération, dans le cadre duquel nous déjà avons fait divers investissements qui ne seront rentables que dans dix ans.

Et là, actuellement, comment le PSI se prépare-t-il à la pénurie d’électricité qui pourrait survenir cet hiver?

Nous avons examiné de près la situation actuelle et nous sommes prêts à faire face aux scénarios éventuels. OSTRAL, l’organisation suisse pour l’approvisionnement en électricité en cas de crise, a déjà décrété l’été dernier le deuxième des quatre degrés de préparation, dont le but est d’éviter un black-out. Nous sommes donc en état d’alerte renforcé et des appels aux économies sont lancés. A partir du troisième degré de préparation, la Confédération nous obligerait en tant que gros consommateur à réduire notre consommation de courant d’un montant prédéfini. Et pour ce cas de figure, nous avons déjà décidé quels systèmes de secours nous continuerions d’exploiter. Par exemple, notre Centre de protonthérapie continuerait de fonctionner, si bien que le traitement contre le cancer sera toujours fourni sans entrave.

Nous sommes donc au degré de préparation 2. Le PSI répond-il aux appels aux économies?

Oui, nous avons par exemple réduit l’éclairage du site; ce faisant, nous avons veillé à le faire sans compromettre la sécurité de manière significative. Comme il y a beaucoup de gens intelligents qui travaillent au PSI, nous avons demandé à l’interne qu’on nous envoie d’autres idées pour économiser l’énergie et nous avons lancé un concours: le PSI Energy Award. Les propositions les meilleures et les plus efficaces seront primées, mais nous répondons aussi à toutes les autres soumissions. Et dans mon département, nous examinons bien entendu les grandes installations de recherche, car si nous pouvons y optimiser quelque chose, cela peut avoir un effet important.

Avez-vous pu faire quelque chose de plus?

Les installations en tant que telles sont déjà optimisées. Mais nous venons de constater que nous pouvions encore changer quelque chose en focalisant complètement les priorités sur les économies d’énergie. Nous venons ainsi de définir différents modes d’exploitation au SwissFEL et nous réunissons à présent les expériences qui nécessitent la même caractéristique de faisceau. Cela permet par exemple de désactiver chaque fois les parties de l’accélérateur linéaire qui ne sont pas utilisées.

Certains des efforts actuellement déployés pour économiser le courant au PSI seront-ils maintenus, même une fois l’hiver passé?

C’est ce que je pense en tout cas. Les coûts de l’électricité resteront probablement élevés haut à long terme. Il faut encore beaucoup accroître le développement des énergies renouvelables et de leur stockage. Nous avons donc intérêt, ne serait-ce que pour des raisons de coûts, à réduire notre consommation partout où c’est possible. Et en tant qu’institut de recherche, nous assumons également notre responsabilité vis-à-vis de la société. Certes, nous sommes déjà passés entièrement à l’électricité hydraulique en 2020, ce qui nous a permis de réduire considérablement notre empreinte carbone. Mais nous pouvons faire encore plus. Nous développons constamment la récupération de chaleur de nos installations. Nous avons déjà quatre installations photovoltaïques sur nos toits et nous avons des projets concrets pour en construire d’autres.