La communication ultrarapide grâce aux métadispositifs électroniques

Des scientifiques de l’EPFL ont imaginé une nouvelle approche de l’électronique qui implique de concevoir des métastructures à l’échelle de sous-longueur d’onde. Elle pourrait lancer la prochaine génération de dispositifs ultrarapides pour l’échange de quantités massives de données, avec des applications dans les communications 6G et au-delà.
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Jusqu’à aujourd’hui, la capacité de fabriquer des dispositifs électroniques plus rapides s’est résumée à un principe simple: réduire la taille des transistors et des autres composants. Mais cette approche atteint ses limites, car les avantages de la miniaturisation sont contrebalancés par des inconvénients comme la résistance et la diminution de la puissance de sortie.

Elison Matioli, du Laboratoire de dispositifs semiconducteurs de puissance (POWERlab) de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL, explique que la poursuite de la miniaturisation n’est donc pas une solution viable pour améliorer les performances de l’électronique. «De récents articles décrivent des dispositifs de plus en plus petits, mais dans le cas des matériaux à base de nitrure de gallium, les meilleurs dispositifs en termes de fréquence ont déjà été publiés il y a quelques années», déclare-t-il. «Après ça, il n’y a vraiment rien de mieux, car à mesure que la taille des dispositifs diminue, nous sommes confrontés à des limites fondamentales. Cela est vrai quel que soit le matériau utilisé.»

En réponse à ce challenge, Elison Matioli et le doctorant Mohammad Samizadeh Nikoo ont imaginé une nouvelle approche de l’électronique qui pourrait surmonter ces limites et aboutir à une nouvelle classe de dispositifs térahertz. Plutôt que de rétrécir leur dispositif, ils l’ont réagencé, notamment en gravant des contacts à motifs appelés métastructures à des distances inférieures à la longueur d’onde sur un semi-conducteur composé de nitrure de gallium et de nitrure d’indium gallium. Ces métastructures permettent de contrôler les champs électriques à l’intérieur du dispositif et ainsi d’obtenir des propriétés extraordinaires qui n’existent pas dans la nature.

Et surtout, le dispositif peut fonctionner à des fréquences électromagnétiques de l’ordre du térahertz (entre 0,3 et 30 THz), ce qui est nettement plus rapide que les ondes gigahertz utilisées dans l’électronique d’aujourd’hui. Ils peuvent donc transporter des quantités d’informations beaucoup plus importantes pour une période ou un signal donné, ce qui leur confère un grand potentiel pour des applications dans les communications 6G et au-delà.

«Nous avons découvert que la manipulation des champs de radiofréquences à l’échelle microscopique peut améliorer considérablement les performances des dispositifs électroniques, sans recourir à une forte réduction d’échelle», explique Mohammad Samizadeh Nikoo, qui est le principal auteur d’un article sur cette avancée récemment publié dans la revue Nature.

Enregistrer les hautes fréquences et les faibles résistances

Les fréquences térahertz étant trop rapides pour être gérées par l’électronique actuelle et trop lentes pour les applications optiques, cette gamme est souvent appelée «écart térahertz». L’utilisation de métastructures sub-longueur d’onde pour moduler les ondes térahertz est une technique issue du monde de l’optique. Mais la méthode de POWERlab permet un degré de contrôle électronique sans précédent, contrairement à l’approche optique qui consiste à projeter un faisceau de lumière externe sur un motif existant.

«Dans notre approche basée sur l’électronique, la capacité à contrôler les radiofréquences induites provient de la combinaison des contacts à motifs sub-longueur d’onde et du contrôle du canal électronique avec une tension appliquée. Cela signifie que nous pouvons modifier l’effet collectif à l’intérieur du métadispositif en induisant (ou non) des électrons», affirme Elison Matioli.

Alors que les dispositifs les plus avancés du marché actuel peuvent atteindre des fréquences de 2 THz, les métadispositifs de POWERlab peuvent aller jusqu’à 20 THz. De même, les dispositifs actuels fonctionnant dans la gamme des térahertz ont tendance à tomber en panne à des tensions inférieures à 2 volts, alors que les métadispositifs peuvent supporter plus de 20 volts. Cela permet de transmettre et de moduler des signaux térahertz avec une puissance et une fréquence bien supérieures à ce qui est actuellement possible.

Des solutions intégrées

Comme l’explique Mohammad Samizadeh Nikoo, la modulation des ondes térahertz est déterminante pour l’avenir des télécommunications, car avec les besoins croissants en données de technologies telles que les véhicules autonomes et les communications mobiles 6G, les limites des appareils d’aujourd’hui sont rapidement atteintes. Les métadispositifs électroniques développés au POWERlab pourraient servir de base à l’électronique térahertz intégrée en produisant des puces compactes à haute fréquence qui peuvent déjà être utilisées notamment dans les smartphones.

«Cette nouvelle technologie pourrait changer l’avenir des communications à très haut débit, car elle est compatible avec les processus existants de fabrication des semi-conducteurs. Nous avons démontré une transmission de données allant jusqu’à 100 gigabits par seconde à des fréquences térahertz, ce qui est déjà 10 fois supérieur à ce que nous avons aujourd’hui avec la 5G», indique Mohammad Samizadeh Nikoo.

Pour exploiter pleinement le potentiel de l’approche, Elison Matioli indique que la prochaine étape consistera à développer d’autres composants électroniques prêts à être intégrés dans des circuits térahertz.

«L’électronique térahertz intégrée est la prochaine étape pour un avenir connecté. Mais nos métadispositifs électroniques ne sont qu’un élément parmi d’autres. Nous devons développer d’autres composants térahertz intégrés pour exploiter pleinement le potentiel de cette technologie. C’est notre vision et notre objectif.»