Le blocage des sphingolipides empêche la dystrophie musculaire

Les chercheurs de l’EPFL ont établi, pour la première fois, un lien entre la dystrophie musculaire et un groupe de lipides bioactifs, les sphingolipides, qui interviennent dans un grand nombre de fonctions cellulaires ainsi que dans d’autres maladies connues.
Coloration d'une coupe transversale de muscle squelettique montrant différents types de fibres musculaires chez les jeunes souris. Crédit: Martin Wohlwend

Dans son étude, le laboratoire de Johan Auwerx de la Faculté des sciences de la vie de l’EPFL a établi la première connexion entre la dystrophie musculaire et les sphingolipides, un groupe de lipides bioactifs. Cette étude est publiée dans Science Advances.

Dystrophie musculaire

Le terme générique «dystrophie musculaire» regroupe des maladies dans lesquelles des mutations génétiques entraînent une faiblesse et une dégénérescence progressive des muscles squelettiques. La myopathie de Duchenne (Duchenne muscular dystrophy, DMD) représente près de la moitié des cas de dystrophie musculaire. La DMD est causée par une mutation du gène qui code pour la dystrophine, une protéine de soutien de la structure musculaire qui permet l’ancrage du cytosquelette des cellules musculaires à la face cytoplasmique du sarcolemme.

Les mutations de la dystrophine affectent différentes voies biologiques, ce qui provoque les symptômes caractéristiques de la myopathie de Duchenne: perte d’intégrité des membranes cellulaires, dérégulation de l’homéostasie calcique, inflammation chronique, fibrose et trouble du remodèlement tissulaire.

Lien avec les sphingolipides

Découverts en 1870 et nommés d’après le fameux Sphinx, les sphingolipides constituent un groupe de lipides bioactifs que l’on pense impliqués dans la signalisation cellulaire et, étonnamment, dans beaucoup de symptômes de la DMD. Les chercheurs se sont donc demandé si la synthèse des sphingolipides pouvait être altérée dans la DMD et, dans ce cas, si ces lipides pouvaient participer à la pathogenèse de la DMD. Pour répondre à cette question, les chercheurs ont étudié un modèle murin de dystrophie musculaire.

«Notre étude identifie l’inhibition de la synthèse des sphingolipides, qui cible ainsi de multiples voies pathogéniques simultanément, comme une stratégie prometteuse pour le traitement des dystrophies musculaires.»      Les auteurs de l'étude

Tout d’abord, ils ont découvert que les souris atteintes de DMD présentaient une accumulation d’espèces intermédiaires de la biosynthèse des sphingolipides. Ce premier indice montrait donc que le métabolisme des sphingolipides était anormalement augmenté dans le contexte de la dystrophie musculaire.

Ensuite, les chercheurs ont utilisé un composé appelé «myriocine» pour bloquer l’une des enzymes clés de la voie de synthèse de novo des sphingolipides. Le blocage de la synthèse des sphingolipides a empêché la perte de fonction musculaire liée à la DMD chez les souris.

En poursuivant cette piste, les chercheurs ont constaté que la myriocine stabilisait le renouvellement du calcium musculaire et réversait la fibrose du diaphragme et du muscle cardiaque. Le blocage de la synthèse des sphingolipides a également réduit l’inflammation musculaire observée dans la DMD, notamment en promouvant un phénotype anti-inflammatoire des macrophages, un sous-type de cellule immunitaire.

«Notre étude identifie l’inhibition de la synthèse des sphingolipides, qui cible ainsi de multiples voies pathogéniques simultanément, comme une stratégie prometteuse pour le traitement des dystrophies musculaires», écrivent les auteurs.

Vieillissement musculaire et ARN
 

Cette étude succède à un autre article du groupe de Johan Auwerx sur le vieillissement musculaire, qui démontre les effets de l’exercice sur l’expression de gènes transcrits en ARN non codant dans les muscles squelettiques. Le vieillissement musculaire accéléré conduit à une maladie appelée sarcopénie, caractérisée par une perte importante de la masse musculaire et de la fonction musculaire chez les personnes âgées. Les chercheurs de l’EPFL ont découvert le long ARN non codant «CYTOR» et ont étudié son rôle dans les muscles sarcopéniques de rongeurs, de vers ainsi que dans des cellules humaines. Cette étude a été publiée dans Science Translational Medicine.

Plus d'informations

Liste des contributeurs

  • Université de Lausanne
  • École de médecine de l’université nationale de Chungnam
  • Fondation Novo Nordisk de Copenhague
  • Université des sciences et technologies de Norvège
  • Université d’Helsinki

Financement

  • EPFL
  • Conseil Européen de la Recherche (CER)
  • Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)
  • Fondation Suisse de Recherche sur les Maladies Musculaires (FSRMM)
  • Fondation nationale pour la recherche de Corée
  • Fondation Marcel Levaillant
  • Sigrid Juselius Fellowship
  • Horizon 2020 de l’Union européenne «AmyloAge»

Références

Pirkka-Pekka Laurila, Peiling Luan, Martin Wohlwend, Nadege Zanou, Barbara Crisol, Tanes Imamura de Lima, Ludger J. E. Goeminne, Hector Gallart-Ayala, Minho Shong, Julijana Ivanisevic, Nicolas Place, Johan Auwerx, Inhibition of sphingolipid de novo synthesis counteracts muscular dystrophy, Science Advances, 2022

Martin Wohlwend, Pirkka-Pekka Laurila, Kristine Williams, Mario Romani, Tanes Lima, Pattamaprapanont Pattawaran, Giorgia Benegiamo, Minna Salonen, Bernard L. Schneider, Jari Lahti, Johan G. Eriksson, Romain Barrès, Ulrik Wisløff, José B. N. Moreira, Johan Auwerx, The exercise-induced long noncoding RNA CYTOR promotes fast-twitch myogenesis in aging, Science Translational Medicine, 2021