L'intelligence artificielle détecte les malformations cardiaques chez les nouveau-nés

Des scientifiques de l'ETH Zurich et de la KUNO Klinik St. Hedwig à Regensburg ont développé un algorithme qui fournit une méthode automatique et fiable de détection d'une certaine malformation cardiaque chez les nouveau-nés.
L'hypertension pulmonaire chez les enfants nés prématurément est difficile à détecter. Un nouveau modèle informatique apporte une aide fiable au diagnostic. (Photo : Adobe Stock)

De nombreux enfants annoncent leur arrivée dans la salle d'accouchement par un cri perçant. Lorsqu'un nouveau-né prend automatiquement sa première respiration, ses poumons se gonflent, ses vaisseaux sanguins s'élargissent et l'ensemble de son système circulatoire se reconfigure en fonction de la vie hors de l'utérus. Cependant, ce processus ne se déroule pas toujours comme prévu. Certains enfants, en particulier ceux qui sont très malades ou nés prématurément, souffrent d'hypertension pulmonaire, une maladie grave dans laquelle les artères des poumons restent rétrécies après l'accouchement ou se referment dans les premiers jours ou les premières semaines qui suivent la naissance. Le flux sanguin vers les poumons s'en trouve resserré, ce qui réduit la quantité d'oxygène dans le sang.

Un diagnostic et un traitement rapides améliorent le pronostic

Les cas graves d'hypertension pulmonaire doivent être détectés et traités le plus rapidement possible. Plus le traitement commence tôt, meilleur est le pronostic pour le nouveau-né. Pourtant, poser le bon diagnostic peut s'avérer difficile. Seules des cardiologues pédiatriques expérimentés sont en mesure de diagnostiquer l'hypertension pulmonaire sur la base d'un examen échographique complet du cœur. «La détection de l'hypertension pulmonaire prend du temps et nécessite un cardiologue possédant des compétences très spécifiques et de nombreuses années d'expérience. Seules les plus grandes cliniques pédiatriques ont tendance à disposer de ces compétences», explique le professeur Sven Wellmann, directeur médical du département de néonatologie de la KUNO Klinik St. Hedwig, qui fait partie de l'hôpital de l'Ordre de Saint-Jean à Ratisbonne, en Allemagne.

Des chercheurs et chercheusesdu groupe dirigé par Julia Vogt, qui dirige le Medical Data Science Group à l'ETH Zurich, ont récemment fait équipe avec des néonatologistes de la KUNO Klinik St. Hedwig pour mettre au point un modèle informatique qui apporte une aide fiable au diagnostic de la maladie chez les nouveau-nés. Leurs résultats viennent d'être publiés dans l'International Journal of Computer Vision.

Rendre l'IA fiable et explicable

Les scientifiques de l'ETH Zurich ont commencé par entraîner leur algorithme sur des centaines d'enregistrements vidéo provenant d'examens échographiques du cœur de 192 nouveau-nés. Cet ensemble de données comprenait également des images animées du cœur battant prises sous différents angles, ainsi que des diagnostics établis par des cardiologues pédiatriques expérimentés (présence ou non d'hypertension pulmonaire) et une évaluation de la gravité de la maladie («légère» ou «modérée à sévère»). Pour déterminer dans quelle mesure l'algorithme réussissait à interpréter les images, les scientifiques ont ensuite ajouté un deuxième ensemble de données composé d'images échographiques de 78 nouveau-nés, que le modèle n'avait jamais vues auparavant. Le modèle a suggéré le bon diagnostic dans environ 80 à 90% des cas et a pu déterminer le bon niveau de gravité de la maladie dans environ 65 à 85% des cas.

«La clé de l'utilisation d'un modèle d'apprentissage automatique dans un contexte médical n'est pas seulement la précision de la prédiction, mais aussi la capacité des êtres humains à comprendre les critères utilisés par le modèle pour prendre des décisions», explique Julia Vogt. Son modèle rend cela possible en mettant en évidence les parties de l'image échographique sur lesquelles sa catégorisation est basée. Les médecins peuvent ainsi voir exactement quelles zones ou caractéristiques du cœur et de ses vaisseaux sanguins le modèle considère comme suspectes. Lorsque les cardiologues pédiatriques ont examiné les ensembles de données, ils et elles ont découvert que le modèle prenait en compte les mêmes caractéristiques qu'elles et eux, même s'il n'était pas explicitement programmé pour le faire.

Le diagnostic est posé par un être humain

Ce modèle d'apprentissage automatique pourrait être étendu à d'autres organes et maladies, par exemple pour diagnostiquer les malformations septales du cœur ou les maladies cardiaques valvulaires.

Il pourrait également être utile dans les régions où il n'y a pas de spécialistes : des images échographiques standardisées pourraient être prises par un professionnel de la santé, et le modèle pourrait alors fournir une évaluation préliminaire du risque et une indication sur la nécessité de consulter un spécialiste. Les établissements médicaux qui ont accès à des spécialistes hautement qualifiées pourraient utiliser le modèle pour alléger leur charge de travail et parvenir à un diagnostic meilleur et plus objectif. «L'IA a le potentiel d'apporter des améliorations significatives aux soins de santé. La question cruciale pour nous est que la décision finale doit toujours être prise par un être humain, par un médecin. L'IA devrait simplement apporter son soutien pour que le plus grand nombre de personnes possible puisse recevoir les meilleurs soins médicaux possibles», explique Julia Vogt.