Voici les raisons qui nous poussent à prendre position sur la loi sur la protection du climat

Le débat politique est essentiel au bon fonctionnement de la démocratie. Et lorsqu'il s'agit de questions complexes telles que le changement climatique, les scientifiques devraient pouvoir partager leur expertise et contribuer à façonner l'opinion, déclare Reto Knutti.
La Loi fédérale sur les objectifs de protection du climat, l'innovation et le renforcement de la sécurité énergétique représente un contre-projet équilibré à l'Initiative des glaciers. Elle fera l'objet d'un référendum le 18 juin 2023. (Photo : klimaschutzgesetz-ja.ch)

Plus de 200 scientifiques des universités et instituts de recherche suisses soutiennent la loi sur la protection du climat du pays. Tous et toutes sont des experts et expertes en recherche sur le climat, l'énergie, l'environnement et la durabilité ou dans des domaines liés au climat en sciences politiques, en sciences sociales, en sciences humaines, en économie et en droit. Ensemble, ils et elles ont publié une déclaration exposant leur position.1

Le changement climatique est un problème grave. Les faits scientifiques, l'impact social de problèmes similaires et d'autres analyses techniques et économiques montrent clairement que pour s'attaquer à la cause première de ce problème, nous devons réduire les émissions de carbone à un niveau net nul. La Suisse s'est engagée à atteindre cet objectif dans le cadre de l'Accord de Paris. Notre pays et les autres nations industrialisées partagent une responsabilité à cet égard, car c'est nous qui avons contribué à créer ce problème. De plus, nous avons les moyens financiers et les outils techniques pour y remédier. Il est également vrai que la Suisse est un modèle dans ce domaine - nos actions peuvent faire et feront la différence. Enfin, si nous nous engageons à résoudre ce problème, nous en bénéficierons également.

La loi sur la protection du climat renforcera la Suisse

Nous savons par expérience que la responsabilité individuelle et l'innovation spontanée ne suffisent jamais à résoudre les problèmes environnementaux. Si l'on considère les grandes questions du passé - déchets, eaux usées, pollution de l'air, appauvrissement de la couche d'ozone, phosphates, amiante et pandémie - nous avons toujours eu besoin d'un cadre politique pour garantir que chacun joue son rôle dans l'obtention d'une solution dont tout le monde bénéficiera ensuite. Après des années d'impasse politique, les citoyennes et citoyens auront l'occasion, le 18 juin 2023, de faire en sorte que la Suisse fasse un grand pas en avant dans le domaine de la politique climatique et énergétique.

«Dans les référendums où les questions scientifiques jouent un rôle clé, il est vital et approprié que les scientifiques commentent les questions en jeu et fournissent un contexte.»      Reto Knutti

La loi sur la protection du climat2 est bien fondée. Elle crée un engagement contraignant, offre une sécurité pour la planification à long terme, encourage l'innovation qui permettra de relever les défis futurs et, en même temps, renforce la compétitivité des entreprises suisses. Dans de nombreux domaines, la loi sur la protection du climat poursuit la voie que les entreprises suisses opérant à l'échelle internationale empruntent déjà avec succès aujourd'hui. Elle réduit les risques liés au changement climatique, accroît la sécurité énergétique et contribue à rendre le monde plus vivable.

En bref, les plus de 200 scientifiques qui soutiennent cette proposition et moi-même sommes fermement convaincu·es que la loi sur la protection du climat rendra la Suisse plus forte. Dans notre déclaration, nous expliquons pourquoi nous soutenons la proposition.1

Mise en contexte

Dans le passé, les scientifiques ont souvent été critiqué·es pour leur implication dans le débat politique. L'argument est que cet activisme, ce lobbying, n'est pas objectif, voire même profondément anti-scientifique. Les scientifiques, dit-on, devraient poursuivre leurs recherches sans préjugés ni parti pris et s'abstenir de toute déclaration politique.

Je fais partie de ces universitaires qui ont une conception différente de leur rôle. C'est précisément parce que nous sommes des scientifiques que nous considérons qu'il est de notre devoir de nous impliquer - à condition, bien sûr, que nous possédions l'expertise requise et que nous défendions notre cause d'un point de vue scientifique. Si les politiques font volontiers appel à nos connaissances, celles-ci sont beaucoup moins accessibles au grand public. Dans les référendums où les questions scientifiques jouent un rôle clé, il est vital et approprié que les scientifiques commentent les questions en jeu et fournissent un contexte.

En tant que chercheuses et chercheurs, notre tâche principale est d'élaborer des principes de base. Toutefois, nous développons également des solutions et apportons notre soutien à la prise de décision. Nous élaborons également des scénarios, évaluons des options et analysons les coûts, les avantages et les risques, conformément aux objectifs fixés par les pouvoirs publics et la société. Cependant, toutes les situations ne peuvent pas être considérées de manière scientifique et isolées d'autres préoccupations sociales qui pourraient également être en jeu. En outre, en ce qui concerne le changement climatique, la recherche ne peut plus vraiment se permettre de rester apolitique. D'une part, l'affirmation selon laquelle la Suisse doit rapidement réduire ses émissions de carbone n'est que la conséquence logique des lois de la physique et des obligations qui découlent de la ratification par la Suisse de l'Accord de Paris. Pourtant, d'un autre côté, une telle affirmation est aussi un appel à l'action et, en tant que tel, une déclaration politique.

«L'essentiel est d'être transparent sur les valeurs, les priorités et les critères qui sous-tendent notre interprétation, et de discuter d'autres positions possibles.»      Reto Knutti

L'idée que la science devrait être totalement dépourvue de valeurs n'est ni possible ni souhaitable. Si toute recherche doit se conformer aux principes scientifiques, être objective et reproductible, elle est aussi inévitablement façonnée par des circonstances sociopolitiques. L'essentiel est d'être transparent sur les valeurs, les priorités et les critères qui sous-tendent notre interprétation, et de discuter d'autres positions possibles.3

Enfin, dans le monde moderne, la science a également un rôle à jouer dans la vérification des faits. À une époque où la désinformation ciblée et les prétendus faits sont propagés dans des campagnes d'affichage et même sur les sites web officiels des partis politiques, les chercheurs et chercheuses doivent utiliser leur expertise pour déterminer ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Si nous n'y parvenons pas, d'autres acteurs ayant des intérêts particuliers proposeront leurs propres interprétations.

La nécessité du dialogue et de la communication

Le domaine des EPF a pour mission stratégique de promouvoir «l'engagement et le dialogue avec la société».4 Dans le même temps, le gouvernement cherche à intensifier son dialogue avec le monde scientifique.5, 6 Cela nécessite de la transparence, une confiance mutuelle et une compréhension des rôles respectifs. Mais il est également inévitable que cela crée des tensions dans certains domaines.

Le prix du silence est cependant beaucoup plus élevé, non seulement pour la planète et la société, mais aussi pour le rôle précieux que jouent les faits et la science dans le débat politique et médiatique.

Nous considérons la loi sur la protection du climat comme un pas important dans la bonne direction. C'est pourquoi nous nous engageons activement dans ce débat et tentons de façonner l'opinion publique.