Des pompes en forme de fil tissées dans les vêtements

Des scientifiques de l’EPFL ont mis au point des pompes en forme de fibre qui permettent de tisser des circuits fluidiques haute pression dans les textiles sans pompe externe. Les exosquelettes souples, les vêtements thermorégulateurs et les systèmes haptiques immersifs peuvent ainsi être alimentés par des pompes cousues dans le tissu de ces dispositifs.
Pompes en forme de fibre tricotées dans un tissu © LMTS EPFL

De nombreuses technologies d’assistance portables basées sur les fluides nécessitent aujourd’hui une pompe volumineuse et bruyante qu’il est difficile, voire impossible, d’intégrer à un vêtement. Il en découle une contradiction: les dispositifs portables sont systématiquement reliés à des pompes non portables. Des scientifiques du Laboratoire des microsystèmes souples (LMTS) de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur ont trouvé une solution élégante et simple à ce dilemme.

«Nous présentons la première pompe en forme de fibre au monde. Il s’agit d’un tube qui génère sa propre pression et son propre débit», déclare Herbert Shea, responsable du LMTS. «Nous pouvons désormais coudre nos pompes en forme de fibre directement dans les textiles et les vêtements, ce qui permet de se passer des pompes traditionnelles.»

Pompe en forme de fibre du LMTS © LMTS EPFL

Pompes en forme de fibre tissées dans un tissu © LMTS EPFL

Légères, puissantes...et lavables

Le laboratoire de Herbert Shea est pionnier dans le domaine de la fluidique. En 2019, il a créé la première pompe étirable au monde.

«Ces travaux s’appuient sur notre précédente génération de pompes souples», affirme Michael Smith, chercheur postdoctoral au LMTS et principal auteur de l’étude. «Le format fibre nous permet de fabriquer des pompes plus légères et plus puissantes et qui sont par définition davantage compatibles avec les technologies portables.»

Les pompes en forme de fibre du LMTS utilisent un principe appelé électrohydrodynamique à injection de charge (EHD) pour générer un écoulement de fluide sans aucune pièce mobile. Deux électrodes hélicoïdales intégrées à la paroi de la pompe ionisent et accélèrent les molécules d’un liquide spécial non conducteur. Le mouvement des ions et la forme des électrodes génèrent un écoulement net de fluide vers l’avant, ce qui permet un fonctionnement silencieux et sans vibration, et nécessite seulement une alimentation et une batterie de la taille d’une paume de main.

Pour obtenir la structure unique de la pompe, les scientifiques ont mis au point une nouvelle technique de fabrication qui consiste à enrouler des fils de cuivre et des fils de polyuréthane autour d’une tige d’acier, puis à les fusionner via un apport de chaleur. Une fois la tige retirée, les fibres de 2 mm peuvent être intégrées dans les textiles à l’aide de techniques de tissage et de couture standard.

La conception simple de la pompe offre plusieurs avantages. Les matériaux nécessaires sont bon marché et aisément disponibles, et le processus de fabrication peut être facilement déployé à grande échelle. La pression générée par la pompe dépendant directement de sa longueur, les tubes peuvent être coupés pour s’adapter à l’application, ce qui permet d’optimiser les performances et de réduire le poids. De par sa conception robuste, la pompe peut également être lavée avec des détergents classiques.

Fabrication de la pompe en forme de fibre © LMTS EPFL

Présentation d’une pompe tissée © LMTS EPFL

Passage des exosquelettes à la réalité virtuelle

Les autrices et auteurs ont déjà démontré comment ces pompes en forme de fibre peuvent être utilisées dans de nouvelles technologies portables intéressantes. Par exemple, on peut faire circuler des fluides chauds ou froids dans les vêtements pour les personnes travaillant dans des environnements à températures extrêmes ou, dans un cadre thérapeutique, pour aider à gérer l’inflammation, et même pour les athlètes cherchant à optimiser leurs performances.

«Ces applications nécessitent malgré tout de longs tubes. Dans notre cas, le tube c’est la pompe. Cela signifie que nous pouvons fabriquer des circuits fluidiques très simples, légers, pratiques et confortables à porter», explique Michael Smith.

L’étude décrit également des muscles artificiels fabriqués à partir de tissu et de pompes en forme de fibre intégrées, qui pourraient être utilisés pour actionner des exosquelettes souples afin d’aider les patientes et patients à bouger et à marcher.

La pompe pourrait même apporter une nouvelle dimension au monde de la réalité virtuelle en simulant la sensation de température. Dans ce cas, l’utilisatrice ou l’utilisateur porte un gant muni de pompes remplies d’un liquide chaud ou froid, ce qui lui permet de ressentir les changements de température au contact d’un objet virtuel.

Une technologie très prometteuse

Les scientifiques souhaitent d’ores et déjà améliorer les performances de leur dispositif. «Les pompes sont déjà performantes. Mais nous sommes convaincus qu’avec d’autres travaux, nous pourrons continuer à apporter des améliorations, par exemple en termes d’efficacité et de durée de vie», indique Michael Smith. Des travaux sur le déploiement à grande échelle des pompes en forme de fibre ont déjà commencé. Le LMTS envisage également d’intégrer ces pompes à des dispositifs portables plus complexes.

«Nous pensons que cette innovation marque un tournant pour les technologies portables», confie Herbert Shea.

Pompes intégrées dans un gant © LMTS EPFL

Pompes intégrées dans un tee-shirt à des fins de thermorégulation © LMTS EPFL