L'application suisse de traçage au banc d'essai
En Suisse, les gens retournent progressivement à leur routine quotidienne et à leur travail maintenant que le pic de la crise du coronavirus semble être passé. Mais l'assouplissement de la politique de confinement alimente également les craintes d'une seconde vague d'infection. Le strict respect des règles de santé et de sécurité est la meilleure stratégie pour se protéger contre l'infection par le COVID-19. En outre, le Gouvernement a l'intention de fournir dès que possible à la population suisse une application de traçage qui devrait contribuer à endiguer la propagation du virus. Cette application est développée dans le cadre du projet DP-3T par l'ETH Zurich et l'EPFL, en collaboration avec des chercheuses et chercheurs internationales et internationaux.
Les scientifiques des EPF participent activement à la conception, à l'évaluation de la sécurité, à la protection des données et à la performance de l'application SwissCovid. Srdjan Čapkun, professeur de sécurité des systèmes et des réseaux, l'un des développeurs de l'application SwissCovid, souligne : «Il ne s'agit pas seulement d'une application pour smartphone, mais d'un système complexe de recherche distribuée de contacts. Son principal objectif est d'informer les personnes de leur exposition à des personnes infectées. Mais elle est également conçue pour préserver la vie privée des utilisatrices et utilisateurs, permettre l'itinérance entre les pays et fonctionner en complément des logiciels et du matériel existants des smartphones».
Beaucoup suivent l'idée suisse
Des applications de traçage sont développées à un rythme effréné dans le monde entier, mais l'idée de base est toujours la même : les smartphones que nous avons en permanence sur nous peuvent être transformés en outils qui aident à briser la chaîne d'infection. Mais quelle est la meilleure façon de le faire ? «Il existe de nombreuses «mauvaises» façons de procéder qui pourraient permettre des actions indésirables, comme le suivi des interactions entre les personnes ou l'imposition d'une quarantaine sélective et potentiellement discriminatoire, par exemple. La principale distinction du DP-3T est que nous avons mis au point une série de mécanismes destinés à rendre la conception de la recherche des contacts simple, et étanche en termes de respect de la vie privée. Certaines de ces fonctionnalités sont désormais également intégrées dans les systèmes d'exploitation Android et iOS», commente le professeur.
De nombreux projets et pays ont suivi la même voie en développant leurs propres applications de traçage. Certains utilisent des parties du code DP-3T, tandis que d'autres le mettent en œuvre de manière indépendante et l'adaptent à leur propre pays. Mais le concept sous-jacent est le même. «C'est une expérience pour nous toutes et tous. Quelque chose comme cela n'a jamais été tenté auparavant», déclare Srdjan Čapkun.
Coopération avec Google et Apple
Certaines personnes pourraient être préoccupées par les questions de vie privée, étant donné l'implication des deux géants technologiques que sont Google et Apple. Srdjan Čapkun, qui attache lui-même une grande importance à la protection des données, est rassurant : «Dans notre conception, les informations sont traitées localement et toutes les données sont automatiquement supprimées après 21 jours. En outre, aucune donnée personnelle de l'utilisatrice ou utilisateur n'est stockée de manière centralisée, et les données de recherche des contacts ne quittent jamais le téléphone sans l'autorisation de l'utilisatrice ou utilisateur». L'application SwissCovid est également open source, de sorte que sa conception et sa mise en œuvre seront accessibles au public. «Nous essayons toutes et tous de construire un système de recherche des contacts sur un logiciel et un matériel qui n'ont pas été conçus à cette fin. Bluetooth n'a pas été développé pour ce genre de mesure de distance à grande échelle. S'assurer que nous pouvons l'utiliser de cette manière nécessite beaucoup de compétences techniques et de collaboration, y compris une collaboration avec Apple et Google», déclare Srdjan Čapkun. La Suisse est le premier pays au monde à utiliser les API de Google et d'Apple pour l'application de traçage. «Cela signifie également que nous sommes les premiers à devoir faire face aux problèmes de démarrage du programme. Nous avons donc besoin des réactions des utilisatrices et utilisateurs avant de commencer le déploiement national en juin», déclare Srdjan Čapkun.
Comment fonctionne l'application ?
L'application utilise la technologie de balisage Bluetooth pour détecter les smartphones à proximité qui exécutent également l'application. Lorsque deux appareils de ce type se trouvent à proximité, ils échangent des balises aléatoires - une sorte de clé privée. L'application est configurée pour informer les utilsatrices et utilisateurs s'ils ou elles ont passé plus de 15 minutes à moins de 2 mètres de personnes infectées. Ces paramètres ont été définis par les épidémiologistes et seront affinés si de nouvelles informations sur le virus le rendent nécessaire.
Lorsqu'un·e utilisatrice ou utilisateur est testé positif au COVID-19, il ou elle reçoit un code du service médical cantonal, qui lui permet d'informer anonymement d'autres personnes de l'infection. Toutes et tous les autres utilisatrices et utilisateurs pourront vérifier s'ils et elles ont passé beaucoup de temps à proximité de personnes infectées, sans connaître leur identité ni le lieu de l'éventuelle infection. Comme le projet a de nombreuses dimensions juridiques et éthiques, les chercheuses et chercheurs travaillent également avec l'OFSP et l'OFIT, deux offices fédéraux.
Que se passe-t-il à la fin de la phase pilote ?
Le principal objectif de la phase pilote est de tester de manière approfondie la fonctionnalité de tous les composants du système et, bien sûr, leur interaction. L'un des défis est de s'assurer de pouvoir détecter avec précision la proximité entre les personnes sur la base des signaux Bluetooth. Par exemple, il n'est pas toujours possible de distinguer des distances de deux et quatre mètres sur la base de ces signaux. Il est clair que la probabilité d'infection ne dépend pas seulement de la distance mais aussi de nombreux autres facteurs. «En travaillant avec des épidémiologistes, nous avons donc élaboré des scores de risque qui visent à réduire les faux positifs et les faux négatifs».
Et que se passe-t-il si des bugs sont détectés dans l'application ? «C'est exactement le but de cette phase pilote - tout ce que nous pouvons corriger ou améliorer maintenant fera que l'application fonctionnera beaucoup mieux plus tard», déclare Srdjan Čapkun. «Je tiens à mentionner tout particulièrement deux membres de l'ETH Zurich de mon groupe, Marc Roschlin et Patrick Leu, qui ont passé de nombreuses heures à travailler sur ces mesures et leur analyse».
La phase pilote est couverte par une ordonnance provisoire adoptée par le Gouvernement et se déroulera jusqu'à la fin juin au plus tard. L'équipe de développement espère toutefois que le pilote produira des résultats beaucoup plus rapidement et que le Parlement pourra adopter un projet de loi lors de sa prochaine session, début juin, afin de permettre le déploiement rapide de l'application SwissCovid à l'ensemble de la population suisse.