Une bague intelligente pour surveiller sa santé

Le plus petit capteur PPG au monde, issu de l’EPFL et développé par une spin-off, permet aujourd’hui de placer dans une bague ressemblant à un bijou un système de suivi de santé aussi performant que celui des montres actuellement sur le marché. Une miniaturisation qui semble convaincre le grand public puisque le financement participatif lancé par la start-up est cinq élevé que prévu.
Le prototype de la bague Iris © 2023 Alain Herzog

En pleine expansion, le marché de la santé connectée devrait atteindre les 296 milliards de dollars en 2028, soit presque six fois plus qu’en 2021, selon le média économique américain Bloomberg. D’un autre côté, les algorithmes travaillant à synthétiser nos paramètres se musclent et la fiabilité des données s’affute. En coulisse, les capteurs PPG - placés notamment sous les montres connectées et reconnaissables à leur émission LED colorée- s’activent à mesurer les paramètres vitaux comme la fréquence cardiaque, l’oxygénation, la respiration et la pression. Plusieurs années de recherches à l’EPFL ont permis d’obtenir des modules aussi performant que ceux des montres connectées sur une surface quatre fois plus petite, un record mondial. Cette miniaturisation, forte de plusieurs brevets, permet également une diminution drastique de la taille de la batterie pour un temps d’utilisation équivalent. Senbiosys, une start-up de l’EPFL fondée par deux anciens doctorants, surfe sur la vague de la santé connectée en incluant ses capteurs dans une bague aussi fine qu’un bijou. Le financement participatif lancé pour passer du prototype à la production a d’ores et déjà obtenu, à quelques jours de son terme, cinq plus de fonds que les 100'000 francs nécessaires.

Antonino Caizzone et Assim Boukhayma © 2023 Alain Herzog

Les puces PPG les plus petites du monde
 

Les systèmes PPG embarqués dans le domaine de la santé connectée sont composés d’une source lumineuse rythmée (LED), synchronisée avec un photodétecteur et une chaine électronique de lecture. Le photodétecteur capture la lumière réfléchie qui permet l’extraction des paramètres vitaux grâce à des algorithmes. Les 4 mm3 des minuscules puces PPG développées par la spin-off, leur permettent de se targuer d’être les plus petites du monde: quatre fois moins imposantes que leurs homologues du marché. Le point d’achoppement à la miniaturisation de ces systèmes réside avant tout dans la consommation énergétique de la LED. Afin de contourner le problème, le capteur utilisé, fruit de nombreuses années de recherche au Laboratoire de circuits intégrés à signaux mixtes de Neuchâtel (Faculté STI), permet d’enregistrer un signal aussi net que ses homologues sur la base d’une source lumineuse beaucoup moins intense. Cette innovation n’est pas passée inaperçue puisqu’elle a «donné lieu à une soixantaine de publications scientifiques en microélectronique et capteurs optiques, a fait l’objet de onze brevets dont une partie à l’EPFL et d'un millier de citations par d’autres chercheurs dans leurs articles», souligne Antonino Caizzone, l’un des cofondateurs, qui a d’ailleurs reçu le Prix Gilbert Hausmann 2021 pour sa thèse sur le sujet.

«Sur la base des innovations issue du MCIS-Lab, nous avons réussi à miniaturiser des capteurs de qualité professionnelle qui sont habituellement encombrants comme les moniteurs de pression ou les oxymètres de pouls.»      Assim Boukhayma, cofondateur de Senbiosys

Six capteurs autour du doigt

Déjà insérés dans plusieurs dispositifs électroniques, dont des appareils auditifs produits par d’autres entreprises, le petit module PPG développé par la start-up créée en 2018 s’intègre dans une bague de 5 mm de largeur et 2,5 mm d’épaisseur baptisée Iris. «Nous sentions qu’il avait du potentiel pour en faire un produit destiné directement au client, se souvient l’entrepreneur. Plusieurs articles, dont un paru dans Frontiers in Physiology en 2019, montrent que la mesure des paramètres physiologiques au poignet n’est pas idéale pour un enregistrement fiable, car elle dépend de la physionomie de l’utilisateur. Les résultats sont meilleurs sur le doigt ou l’oreille. Le fait qu’il n’est pas toujours confortable de porter une montre, notamment pour dormir, nous a également convaincus de développer l’idée». Faire d’une bague un baromètre de santé n’est pas nouveau, mais la taille des modules de la start-up ainsi que ses besoins réduits en énergie permettent de caser davantage d’électronique dans un anneau qui ressemble à s’y méprendre à un bijou, rechargeable en une trentaine de minutes. Dix-huit sources lumineuses, dont les données sont récoltées par six capteurs, sont placées autour du doigt, améliorant ainsi la précision des données. «Sur la base des innovations issue du laboratoire, nous avons réussi à miniaturiser des capteurs de qualité professionnelle qui sont habituellement encombrants comme les moniteurs de pression ou les oxymètres de pouls», précise Assim Boukhayma, cofondateur. Les six capteurs permettent de faire une moyenne des paramètres, ce qui n’est le cas ni pour les montres, ni pour les autres dispositifs placés dans des bagues plus imposantes. «Finalement, la petite taille du système nous permet d’utiliser moins de matériaux et de répercuter cela vers un prix moins élevé», souligne-t-il.

La mesure des paramètres vitaux, d’une manière continue en dehors des hôpitaux, devient particulièrement courante en raison du vieillissement de la population, de l’augmentation de l’obésité et des maladies cardiovasculaires notamment. Une étude clinique menée avec l’hôpital de Fribourg sur les données obtenues avec le capteur miniature sur la fréquence cardiaque en comparaison d’un cathéter posé directement au niveau du cœur a montré des résultats comparables. «Notre objectif n’est cependant pas de proposer un dispositif médical mais un suivi personnalisé avec divers paramètres, souligne Assim Boukhayma. Nous y voyons plutôt un rôle de prévention puisque les changements dans les données peuvent alerter l’utilisateurs et l’inciter à aller consulter un médecin.» Dans sa première version, la bague offrira notamment des indications sur la fréquence cardiaque un décompte du nombre de pas, l’oxygénation du sang, la qualité du sommeil, le stress ou encore les calories brûlées. «Nous continuons à développer les algorithmes et l’application pour smartphone. Des mises à jour en ligne seront ensuite proposées».

Le public au rendez-vous pour le financement participatif

Après un cumul de 5 millions levés depuis la fondation de la start-up en 2019 qui leur a permis de développer leur capteur pour des applications industrielles, les cofondateurs se sont lancés en 2022 dans une étude de marché pour un produit destiné à la clientèle qui a conduit au développement du prototype de cette bague. Le financement participatif lancé en février à convaincu le public de leur faire confiance puisque cela leur assure un financement d’au moins 500'000 francs, soit un montant quatre fois et demi supérieur à l’objectif initial. Ils pourront désormais se concentrer sur la préparation de la production afin d’honorer, fin 2023, les précommandes des participants. « Nous allons déterminer les quantités nécessaires de matériel, notamment les circuits électroniques imprimés, les batteries ainsi que les composants mécaniques. Ensuite nous allons peaufiner le procédé d’assemblage et s’assurer que tous les composants sont bien intégrés », conclut Antonino Caizzone.