Un seul logiciel pour tous les documents
Les ordinateurs sont parfois aveugles, par exemple lorsqu'on leur demande de reconnaître des documents qui n'ont pas été structurés spécifiquement pour eux. «Les ordinateurs lisent depuis le haut à gauche jusqu'en bas à droite. Ils ne reconnaissent pas les interlignes ou les caractères gras», explique Tim Beck, PDG de BLP Digital, une spin-off de l'ETH Zurich.
Les tableaux constituent également un problème pour les ordinateurs, car les valeurs contenues à l'intérieur n'ont de sens que si leur position exacte, par ligne et colonne, est connue. Tim Beck et son équipe ont entrepris d'apprendre aux ordinateurs à reconnaître les tableaux et toute autre information semi-structurée dans les documents.
Factures, bons de livraison, notes de frais, CV, courriels : l'éventail des applications de ce type de logiciel est énorme. Tim Beck y voit un énorme potentiel. Un grand assureur maladie suisse, par exemple, traite 13 millions de factures par an. Lorsqu'un grossiste commande des bananes d'Amérique du Sud, le processus génère 17 documents jusqu'au moment où les fruits arrivent dans les magasins en Suisse.
Les logiciels s'améliorent au fil du temps
«Nous voulons automatiser davantage ces processus et faciliter le travail des employé·es», explique Tim Beck. La vision à long terme de ce jeune homme de 28 ans est de concevoir un logiciel totalement polyvalent qui permette l'automatisation sans faille de tous les types de documents courants grâce à l'apprentissage machine. Le logiciel est conçu pour s'améliorer au fil du temps à mesure qu'il collecte de plus grands volumes de données. Bien entendu, cet objectif ambitieux est encore loin d'être atteint, mais Sven, le frère cadet de Tim Beck et cofondateur de la start-up, estime qu'il est important de garder cet objectif à l'esprit.
«Nous avons tenté d'écrire notre code de manière généralisée dès le début. De cette façon, nous pourrons utiliser le même logiciel plus tard pour diverses applications», explique Sven Beck, qui a travaillé sur des systèmes de détection de proximité pour la robotique mobile pendant son master en robotique, systèmes et contrôle à l'ETH Zurich.
Les algorithmes sous-jacents sur lesquels le logiciel est basé proviennent de deux projets de thèse de master de l'ETH Zurich. Avec l'ancien directeur expérimenté de Google, Pedro Marques, et leur équipe d'anciens étudiant·es des Ecoles polytechniques de Zurich et Lausanne, les frères Beck ont développé ces algorithmes avant de fonder une entreprise en automne 2019.
Ce code sophistiqué est ce qui distingue leur start-up de la concurrence. Après tout, rien qu'en Suisse, deux autres start-ups ont déjà entrepris de développer des solutions de reconnaissance automatique de documents. Cependant, personne n'a encore réussi à créer une solution de reconnaissance de tableaux - la panacée au sein de ce domaine.
Reconnaissance d'images et de textes
La solution de BLP Digital utilise une combinaison de deux technologies : la reconnaissance d'images et de textes. Certains algorithmes analysent le texte, tandis que d'autres scannent l'image du document au niveau du pixel. «Cela nous permet de positionner correctement le texte dans le document», explique Sven Beck. Les tableaux peuvent alors être reconnus et reproduits correctement. En outre, les processus parallèles créent une sorte de «double couture» : si leurs résultats concordent, le résultat est très probablement correct. «Nous appliquons une série d'algorithmes à la même tâche afin d'éliminer l'incertitude», ajoute Sven Beck.
BLP pourrait attirer des clients de toute industrie qui consacre beaucoup de ressources aux processus administratifs. L'un des défis pour la start-up sera d'atteindre les bons marchés au bon moment. Les jeunes entrepreneurs ont déjà commencé à travailler avec l'industrie manufacturière, car ils ont de l'expérience dans ce secteur. Les frères sont issus d'une famille d'entrepreneurs allemands ; leurs parents possèdent une entreprise de planification de ressources d'entreprise (ERP - pour Enterprise Resource Planning) qui sert principalement des clients dans ce secteur. Avant BLP Digital, Tim et Sven avaient déjà fondé une start-up de réalité augmentée, qui est maintenant entre d'autres mains.
Dès le début, l'équipe s'est engagée dans de fréquentes discussions avec l'industrie, ce qui a donné lieu aux premiers projets pilotes et aux premières ventes de BLP Digital. Actuellement, l'entreprise compte 10 employé·es, qui travaillent principalement sur les premières intégrations des logiciels de l'entreprise dans les systèmes ERP. Ils reçoivent occasionnellement le soutien de Stefan Feuerriegel, professeur d'informatique de gestion à l'ETH Zurich. Une cinquantaine de clients peuvent déjà traiter automatiquement des factures et des bons de livraison grâce au logiciel.
Vers la fin de l'année, la start-up prévoit de faire appel à des investisseurs pour la première fois. Actuellement, elle s'appuie sur son propre capital et sur des subventions d'Innosuisse. Les fonds supplémentaires serviront à embaucher du personnel supplémentaire. «L'année prochaine, nous serons en mesure d'automatiser d'autres types de documents pour d'autres secteurs», déclare le PDG Tim Beck.