Remarcher après le fauteuil

Chez les paraplégiques et les quadriplégiques, la moelle épinière est gravement endommagée, de sorte que les signaux du cerveau n'atteignent plus les muscles. Dans sa chronique, Michael Hengartner explique comment des personnes paralysées peuvent réapprendre à marcher grâce à des capteurs développés à l'EPFL.
David Mzee peut désormais faire quelques pas même sans stimulation. © EPFL / Hillary Sanctuary

Êtes-vous bien assis·e? Peut-être que vous êtes debout ou couché·e. Peu importe: tapez un instant du pied droit. Pensé, fait. Comment avez-vous fait cela? Vous avez lu le texte et pensé à taper du pied droit. Votre cerveau a alors envoyé un signal qui a été transmis par les cordons nerveux de la moelle épinière à la partie inférieure de votre jambe et à votre pied. C'est là que les muscles nécessaires au mouvement ont été tendus. «Rien de spécial», pensez-vous peut-être. Moi je dis: une remarquable réussite. 

Chez les paraplégiques et les tétraplégiques, la moelle épinière est gravement endommagée, de sorte que le signal provenant du cerveau n'atteint plus les muscles. Par conséquent, ils et elles ne peuvent plus marcher – sauf pour quelques-un·es qui ont réappris à marcher grâce à la médecine et à la technologie modernes. Grégoire Courtine, Jocelyne Bloch, et leur équipe de l'EPFL, de l'Université de Lausanne, et du Centre Hospitalier Universitaire de Lausanne ont pu aider certain·es d'entre elles et eux.

«Pour que nous puissions marcher, des dizaines de muscles de nos jambes, pieds et articulations doivent fonctionner parfaitement ensemble. Il nous a d’ailleurs fallu plusieurs mois pour apprendre à marcher!»      Michael Hengartner

Le principe semble assez simple pour les scientifiques: Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch ont implanté des capteurs électroniques dans la partie supérieure de la moelle épinière de la personne paralysée. Ces capteurs détectent lorsqu'une impulsion provient du cerveau et la dirigent vers la partie inférieure de la moelle épinière en passant par la zone endommagée. Là, les nerfs transmettent l'impulsion aux muscles des jambes, qui se mettent alors à bouger. Ainsi, la zone endommagée est simplement pontée.

Bien entendu, les détails sont plus compliqués. Pour que nous puissions marcher, des dizaines de muscles de nos jambes, pieds et articulations doivent fonctionner parfaitement ensemble. Il nous a d’ailleurs fallu plusieurs mois pour apprendre à marcher! Les personnes paralysées en Suisse romande ont également dû s'entraîner dur pour obtenir ces résultats. Dans leur fauteuil roulant, les muscles de leurs jambes s’étaient atrophiés au fil des ans. De plus, les capteurs devaient d'abord apprendre quand quelles fibres nerveuses devaient être actives.

Et cela devient encore plus passionnant: avec le temps, le support électronique pourrait être désactivé. Dans la moelle épinière, il y a encore des fibres nerveuses intactes pour la plupart, et elles commencent à prendre le relais de l'électronique! C'est pourquoi ces personnes paralysées peuvent aujourd'hui faire quelques pas sans soutien. L'électronique a aidé le système nerveux à se réorganiser. Des fibres nerveuses ont même repoussé. Il existe des vidéos de David Mzee sur Internet: il marche certes un peu maladroitement, mais le simple fait qu’il remarche est un succès phénoménal !

«L'électronique a aidé le système nerveux à se réorganiser. Des fibres nerveuses ont même repoussé.»     

Pour Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch, de tels succès sont une incitation à poursuivre la recherche. Il et elle travaillent actuellement à l'amélioration de leur système et ont élargi leur champ de recherche. Aujourd'hui, il et elle veulent aussi aider les personnes qui ont eu une attaque ou qui souffrent de la maladie de Parkinson. Car avec la maladie de Parkinson ou un accident vasculaire cérébral, il se passe en principe la même chose qu’avec la paralysie: les conduits nerveux sont détruits. Théoriquement, il devrait être possible de combler ces zones défectueuses.

Bien sûr, il faudra des années avant que cette chercheuse et ce chercheur de Suisse romande puissent livrer leurs premiers résultats. Ce serait génial si ça marchait!

Cet article est paru à l'origine dans le SonntagsBlick.