«Le journaliste scientifique raconte et questionne la science»

Cette semaine, Lausanne accueille la Conférence mondiale des journalistes scientifiques. Les 1'200 participants se réuniront au SwissTech Convention Center sur le site de l’EPFL, partenaire académique de ce grand événement. Le point avec Olivier Dessibourg, Président du comité d’organisation et président de l’Association suisse du journalisme scientifique.
Olivier Dessibourg, Président du comité d’organisation et président de l’Association suisse du journalisme scientifique, au STCC © Alain Herzog / 2019 EPFL

Qu’est-ce que la Conférence mondiale des journalistes scientifiques (WCSJ) et quel est son but?

Cette conférence, placée sous l’égide de la Fédération mondiale des journalistes scientifiques (World Federation of Science Journalists – WFSJ), a lieu tous les deux ans. Elle réunit environ un millier de journalistes scientifiques du monde entier. C’est un congrès professionnel organisé par des journalistes scientifiques pour leurs pairs. L’objectif est de se rencontrer afin de faire un état des lieux du métier, de partager les bonnes pratiques et de donner de nouvelles ambitions à notre profession.

Ce congrès est un bouillon à idées! Le but est aussi de créer des relations entre des journalistes de continents différents, pour leur permettre d’interagir et de mieux travailler ensemble. Plus globalement, c’est l’opportunité de montrer que l’on aspire à un journalisme scientifique indépendant, sainement critique et qui est dans la justesse, que ce soit dans les médias spécialisés ou généralistes. L’idée est de permettre une augmentation du niveau général de la profession à travers ce partage de bonnes pratiques.

Qu’est-ce que le journalisme scientifique?

C’est une facette particulière du journalisme, mais le rôle de base est le même: enquêter, chercher l’information, comparer des points de vue différents, raconter l’envers du décor, faire parler les gens et contextualiser les choses. Tout ceci dans un seul but: se mettre au service des gens qui nous lisent. Y ajouter l’aspect scientifique, c’est décortiquer afin d’expliquer ce domaine très complexe. La tâche du journaliste scientifique est de raconter cet univers moins accessible et de questionner la science pour la présenter objectivement et correctement. Il enfile donc le costume de vulgarisateur et passe une sorte de contrat avec le chercheur, pour raconter la science de manière simplifiée mais en évitant de s’éloigner de la justesse scientifique.

Quels sont les autres acteurs de la vulgarisation scientifique?

La vulgarisation scientifique n’est pas propre aux journalistes. Les communicants scientifiques, également impliqués dans la conférence, sont des maillons importants de la chaîne de transmission de l’information. La différence est que les journalistes sont indépendants alors que les communicants sont souvent rattachés à une institution, de par leur fonction.

Lors de la conférence, une session sera dédiée au rôle des youtubers dans la médiation scientifique. Selon moi, c’est un monde qu’il ne faut pas écarter, à condition que la science soit présentée de manière aussi correcte que possible. Ces nouveaux médias sont un moyen d’atteindre un public qui n’est pas forcément touché par les médias traditionnels, les jeunes par exemple.

Qu’est-ce que ce Congrès offre aux institutions partenaires comme l’EPFL?

Cette conférence amène 1’200 journalistes et communicateurs scientifiques de 83 pays différents sur le campus de l’EPFL et sur les sites des autres institutions partenaires telles que l’UNIL, le CHUV, le CERN ou l’Université de Genève. Chaque jour pendant une semaine, les participants vont visiter des laboratoires à travers les Lunch@Labs et rencontrer les chercheurs. C’est pour eux une opportunité unique de se faire connaitre auprès de médias qui n’auraient peut-être jamais eu l’occasion de venir d’eux-mêmes, et de créer un réseau au niveau mondial.

Quel est l’impact d’une telle conférence sur le long terme?

Le potentiel de réseautage de ce congrès est énorme. Les journalistes ont un accès direct aux chercheurs et vice-versa, ce qui permet aux institutions partenaires de créer des contacts pérennes avec le monde du journalisme scientifique. En tant que journaliste scientifique, ces événements sont des facilitateurs de métier. On crée un réseau qui permet de faire notre métier plus efficacement et plus facilement. J’ai encore des contacts avec des chercheurs rencontrés lors de précédentes éditions ou avec des journalistes d’autres pays que je sollicite pour m’aider dans mes articles lorsque ceux-ci concernent leur pays.

Avec la casquette d’organisateur de la Conférence mondiale des journalistes scientifiques, vous êtes passé de l’autre côté du décor. Quelles sont les choses à retenir de cette expérience?

Je suis clairement sorti de la zone de confort de mon métier de journaliste scientifique! Je suis devenu – temporairement – organisateur de conférence, épaulé par une équipe de 45 personnes, que je remercie énormément d’ailleurs. Collaborer avec elles en France, en Suisse, en Italie et même à Montréal, siège de la WFSJ, a été une expérience humaine très forte. J’ai aussi pu mener une autoréflexion sur le métier: qu’est-ce qui est important pour nous et pour la communauté? Le programme a été construit autour des réponses à cette question.

J’ai enfin découvert plus à fond le monde de la communication scientifique, notamment au travers d’interactions très riches avec des acteurs tels que les partenaires scientifiques ou les institutions philanthropiques et privées. Ce qui est réjouissant, c’est que l’on a pu monter un projet qui sert beaucoup de monde mais qui respecte le cadre l’on s’était imposé au début: mettre sur pied un congrès indépendant et critique, ouvert et innovant, et qui pense de manière positive.