Ce que les cellules immunitaires révèlent sur les troubles du sommeil

Daniela Latorre voulait être une scientifique depuis son enfance. À l'Institut de recherche en biomédecine, affilié à l'USI de Bellinzone et à l'Institut de microbiologie, elle trouve des preuves que la narcolepsie est une maladie auto-immune. Elle a reçu le prix Pfizer pour la recherche 2020 pour son travail de pionnière.
Daniela Latorre mène des recherches à l'Institut de recherche en biomédecine. (Photo : Stefan Weiss / ETH Zurich)

«C'est ma toute première interview», explique Daniela Latorre avec un sourire au début de la conversation. Ce ne sera probablement pas sa dernière : la jeune chercheuse italienne s'est fait connaître ces dernières années par ses études sur la narcolepsie. En tant que chef de groupe PRIMA du FNS à l'Institut de microbiologie de l'ETH Zurich, elle étudie les bases auto-immunes des troubles neurologiques.

Elle a reçu de nombreux prix pour ses travaux sur la narcolepsie et elle n'a que 35 ans. Après avoir remporté le prix du jeune scientifique du Réseau européen de narcolepsie en 2019, elle a reçu récemment le prix Pfizer pour la recherche 2020. «C'est un sentiment merveilleux. Tous ces prix récompensent le travail que mes collègues et moi avons accompli dans le cadre de nos recherches», s'éclame Daniela Latorre.

La narcolepsie, une maladie auto-immune ?

La narcolepsie est un trouble chronique du cycle veille-sommeil déclenché par une perte de neurones dans l'hypothalamus latéral. En conséquence, le cerveau ne produit que de faibles niveaux du neuropeptide hypocrétine, qui est responsable du rythme veille-sommeil. La maladie touche une personne sur 2 000.

«Nos résultats permettront de mieux faire connaître les causes de cette maladie»      Daniela Latorre

Il existe une lacune importante dans ce domaine de recherche que la jeune chercheuse souhaite combler par son travail: «Nos résultats vont permettre de mieux connaître les causes de cette maladie», explique-t-elle. Elle veut aller au fond des causes de la maladie. «Les symptômes sont peut-être traitables, mais il n'y a pas de remède». Dans son projet de recherche actuel, le plus important à ce jour, elle étudie les facteurs auto-immuns qui peuvent conduire à cette maladie. On pense que la narcolepsie peut être une maladie auto-immune, et Daniela Latorre a pu montrer que c'est très probablement le cas.

La recherche est tout sauf facile : «Il est extrêmement difficile de faire des recherches dans ce domaine. Il faut utiliser des méthodes de mesure sensibles et précises afin de pouvoir détecter et isoler de rares cellules immunitaires autoréactives dans le sang et le liquide céphalo-rachidien», dit-elle. En cas de dysfonctionnement du système immunitaire, un excès de ces cellules est produit ; elles endommagent alors les neurones de l'hypothalamus et interfèrent avec la production d'hypocrétine, ce qui entraîne une narcolepsie.

Bien que la recherche soit complexe, Daniela Latorre a néanmoins réussi à isoler et à caractériser des cellules T autoréactives ciblant des antigènes neuronaux chez des patients narcoleptiques. Ce travail a été effectué sous la supervision de Federica Sallusto, professeur d'immunologie médicale à l'ETH Zurich, et du professeur Claudio Bassetti de l'hôpital universitaire Inselspital Bern. Avec ses collègues, Daniela Latorre a pu démontrer pour la première fois que les lymphocytes T autoréactifs se trouvent dans le système immunitaire des patients atteints de narcolepsie. «C'est la preuve évidente que la narcolepsie est une maladie auto-immune», explique la chercheuse d'origine italienne.

Le chemin vers la clinique

C'est le professeur Bassetti, collaborateur de recherche du laboratoire de Sallusto, qui a sensibilisé l'équipe à la narcolepsie pendant que Daniela travaillait en tant que post-doc à l'Institut de recherche en biomédecine de Bellinzone. C'est alors que la coopération entre l'équipe du laboratoire de Sallusto et l'hôpital de Berne a commencé. «Les médecins ont besoin de l'aide des scientifiques pour répondre à des questions pratiques», explique Daniela Latorre. Grâce aux résultats de la recherche, les spécialistes cliniques peuvent mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent les troubles du sommeil et mettre au point des méthodes de traitement efficaces. «Il est encore trop tôt pour pouvoir traiter les patients. Mais nous y travaillons dur», dit-elle.

Assembler le puzzle

Daniela Latorre a grandi dans une petite ville du sud de l'Italie, fille d'une femme au foyer et d'un ouvrier d'usine. Bien que sa famille ait peu de liens avec la science, elle s'y est intéressée très tôt. Son plus grand moteur était son irrépressible curiosité : elle voulait savoir ce qu'il y avait derrière les choses. «Même enfant, j'étais fascinée par le fonctionnement de notre corps et par les mécanismes qui se cachent derrière lui. Comment toutes ces petites parties - à commencer par l'ADN, puis les cellules, puis les organes - fonctionnent ensemble et indépendamment les unes des autres. C'est fascinant», dit-elle. Elle adore assembler le puzzle pièce par pièce grâce aux nouvelles découvertes de la recherche. Si elle trouve un «bug», comme elle l'appelle, elle veut trouver un moyen de le réparer.

«Si nous parvenons à traiter les patients avec succès grâce à nos recherches, ce serait le couronnement pour moi»      Daniela Latorre

Pour Daniela, c'est évident : elle n'a pas trouvé la science, c'est la science qui l'a trouvée. «Je me souviens encore très bien de la lettre que j'ai écrite au Babbo Natale, le père Noël italien, quand j'avais huit ans, pour lui demander un microscope», se souvient la scientifique. Enchantée par les procédés scientifiques, son professeur de lycée a reconnu son talent. C'est ce professeur qui lui a recommandé d'étudier la biotechnologie à Rome. Elle a été la première de sa famille à suivre une voie académique. «Ma famille est très fière de moi et me soutient en tous points dans ma carrière», ajoute la jeune chercheuse.

Il reste encore beaucoup à faire

Daniela Latorre se consacrera encore longtemps à la narcolepsie. «Ce n'est que le début. Le voyage sera beaucoup, beaucoup plus long», dit-elle. Les méthodes de diagnostic précoce et de traitement clinique basées sur ses recherches doivent encore se concrétiser. Le chemin qui mène du concept de recherche initial à une méthode de traitement achevée est long, mais elle n'en est pas dissuadée : «Si nous parvenons à traiter les patients avec succès grâce à nos recherches, ce sera le couronnement pour moi.»