Notre comportement démystifié par l'imagerie cérébrale

Au Laboratoire de traitement d’images médicales, Dimitri Van De Ville et Thomas Bolton ont évalué l’impact de l’imagerie computationnelle sur les neurosciences cognitives et cliniques en se basant sur plus d’une centaine d’articles.
© Alban Kakulya / 2020 EPFL

Comment le comportement humain est-il lié à la dynamique de l’activité cérébrale ? Cette question a régulièrement taraudé Thomas Bolton durant ses recherches doctorales. Pour y répondre, il a établi une synthèse des études scientifiques les plus récentes portant sur le traitement des données d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) — une modalité permettant de monitorer l’activité cérébrale du cerveau entier au cours du temps. Outre les enseignements de sa thèse, le doctorant a pu compter sur les bagages cliniques et techniques de ses collègues Elenor Morgenroth et Maria Giulia Preti.

« Le but est de dresser un état des lieux et de proposer des directions pour la recherche future. Nous avons souhaité démystifier les techniques d’analyse avancées, et souligner la façon dont elles caractérisent les diverses facettes du comportement humain », explique Thomas Bolton. L’article est publié dans Trends in Neurosciences.

Des ponts entre les sciences

Concrètement, Thomas Bolton et le professeur Dimitri Van De Ville ont revisité la littérature la plus récente sur l’imagerie cérébrale afin d’en offrir à la communauté neuroscientifique une vue consensuelle, originale et synthétique. « La plupart des nouvelles approches sont enracinées dans le traitement des signaux, l’apprentissage par ordinateur, ou encore la modélisation en réseau, indique Dimitri Van De Ville. Nous devons construire des ponts entre ces sciences des données et les utilisateurs, actuels ou futurs, neuroscientifiques ou cliniciens. Ces chercheurs sont de plus en plus intéressés par l’étude de comportements subtils, instables dans le temps, tels que les émotions par exemple. Cela requiert l’application d’approches qui révèlent les fluctuations d’activité cérébrale cohérentes et spatialement distribuées. » Thomas Bolton ajoute : « Plutôt que de nous étendre sur les détails mathématiques complexes inhérents aux méthodes décrites dans ces articles, nous avons mis l’accent sur leur compréhensibilité ».

La crise de la réplication : mêmes données, résultats différents

Les deux chercheurs de la faculté des Sciences et techniques de l’ingénieur ont dressé plusieurs constats importants. Premièrement, en partant de données semblables, la communauté scientifique ne parvient pas toujours à des résultats équivalents ; la faute aux analyses compliquées qui impliquent des conclusions ambiguës. Comme l’explique Dimitri Van De Ville, « il existe plusieurs approches pour formuler des questions similaires. La complexité des différentes méthodes rend leurs hypothèses souvent invisibles et entrave le processus comparatif. Bien que les données et implémentations soient souvent rendues publiques, le besoin d’une compréhension plus profonde des techniques demeure. »

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La vigilance, par exemple, est liée à beaucoup d’aspects du comportement et induit des fluctuations globales de l’activité cérébrale. Elle est occultée par certaines techniques, tandis qu’avec d’autres, elle influence les résultats. « Voilà comment nous arrivons parfois à des résultats très différents », déclare le professeur. « Nous espérons qu’à l’avenir, les scientifiques valoriseront davantage l’aspect collaboratif et procéderont à une démarche plus comparative. En favorisant une certaine homogénéité dans les choix techniques liés à l’analyse de données, nous réussirons à mieux confronter les études entre elles », souligne Thomas Bolton.

Cheminer vers la connaissance… en observant les arbres

Autre élément mis en lumière : le manque d’approches causales. « Aujourd’hui, la démarche scientifique dans ce domaine reste souvent corrélationnelle, parce que la stimulation ou modulation de l’activité cérébrale chez l’humain est délicate », explique Thomas Bolton. « Certaines altérations du comportement, liées par exemple à la dépression ou à l’autisme, peuvent être caractérisées en fonction de leur impact sur l’activation du cerveau, permettant de vérifier des hypothèses sur son fonctionnement global. C’est un long chemin sur lequel nous avançons à petits pas », reconnaît Dimitri Van De Ville.

Pour finir, le professeur estime que bien comprendre les méthodes de travail permet de savoir à quelles questions on peut répondre. Et de conclure pittoresquement : « les sciences des données évoluent très vite, et il est parfois compliqué pour les neuroscientifiques de rester à jour. Cet article offre des repères pour mieux distinguer les arbres dans la forêt. »