Quand le marché des NFT se comporte comme les réseaux sociaux

Deux scientifiques de l’EPFL se sont penchés sur le comportement des transactions des NFT, ou œuvres d’art digitales, et en ont conclu de fortes similitudes avec les interactions issues des réseaux sociaux. Leur étude est une première dans ce domaine.
Marco Mattavelli et Simone Casale Brunet © Alain Herzog 2021 EPFL

Les œuvres d’art numériques dopent le marché de l’art contemporain depuis le début de la crise du Covid-19. Malgré que cette niche recense encore peu d’utilisateurs, Simone Casale Brunet et Marco Mattavelli, respectivement premier auteur et directeur du groupe SCI-STI-MM de l’EPFL, se sont intéressés au comportement de ce nouveau marché. Ils ont découvert que les transactions résultantes de l’achat et de la vente de ces œuvres digitales se conduisent comme les interactions sur les réseaux sociaux. Ils viennent de publier le premier article scientifique et évalué par leurs pairs à ce sujet pour la conférence IEEE Blockchain 2021 qui se tiendra en décembre prochain.

Un tweet à 3 millions de dollars

Les œuvres d’art digitales sont plus communément appelées NFT pour Non Fungible Tokens en anglais, à traduire par jeton non fongible en français. Il s’agit d’un bien numérique inscrit dans la blockchain qui représente l’acte de propriété, mais pas l’œuvre en elle-même puisqu’elle est virtuelle et accessible à tous. N’importe quel artiste peut créer une œuvre d’art puis le commercialiser comme une NFT. En mars dernier, un des fondateurs de Twitter a d’ailleurs vendu son premier tweet sous forme de NFT à hauteur de 3 millions de dollars. Depuis 2017, ce marché est en plein essor et le prix de certaines NFT flambe. La société de vente aux enchères Christie’s a récemment dépassé les 100 millions de dollars de vente de NFT.

La particularité de ce secteur d’activité est qu’une NFT est stockée dans une blockchain, telle qu’Ethereum, et ne peut s’acquérir qu’avec des crypto monnaies. De plus, chaque transaction (achat, vente et revente) s’inscrit dans la blockchain de sorte qu’il est possible de tracer précisément et de manière transparente le chemin de l’acte de propriété de l’œuvre, et ce de façon entièrement décentralisée.

Topologies identiques

Une série de plus de 16'000 œuvres d’art nommée Hashmasks et créée en février 2021, a suscité l’intérêt de Simone Casale Brunet et l’a convaincu à étudier ce marché, aujourd’hui composé d’environ 200 000 utilisateurs à travers le monde. Aujourd’hui, la pièce la plus chère de la collection Hashmasks s’est vendue à 1.6 Millions de dollars.

Un des 16'000 Hashmasks © Simone Casale Brunet 2021 EPFL

Chaque personne détient un porte-monnaie, bien qu’il soit aussi envisageable d’en posséder plusieurs, et c’est à travers ce dernier que toutes les opérations financières se réalisent. « Ce que nous avons pu démontrer est que les NFT se constituent de plusieurs facteurs. Elles créent une communauté d’acheteurs et de vendeurs et allient l’art et la technologie », explique Simone Casale Brunet. Pour arriver à ce postulat, les scientifiques ont décortiqué toutes les données issues de la blockchain et en ont construit des graphes des transactions, soit des modèles abstraits de dessins de réseaux.

En comparant ces graphes à ceux des interactions sur les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter, Simone Casale Brunet s’est rendu compte que les graphes possèdent les mêmes propriétés topologiques, c’est-à-dire la même structure des données. Pour comparer les structures topologiques des graphes, le chercheur a dû procéder à des calculs de paramètres. « Dans le cas des NFT, chaque nœud représente un portefeuille, et chaque lien, une transaction. Avec les réseaux sociaux, le nœud peut se traduire en personne physique est les liens sous la forme d’un like ou d’un partage par exemple. Ces nœuds se comportent de façon équivalente qu’il s’agisse des NFT ou des réseaux sociaux. Ces graphes possèdent des valeurs similaires », illustre le scientifique.

Exemple de graphe de NFT © Simone Casale Brunet 2021 EPFL

Du marketing avec les NFT

Cette recherche ouvre les portes à des études plus approfondies du marché des NFT. « Étant donné que les graphes des transactions des NFT et des réseaux sociaux s’avèrent semblables, il est désormais possible d’employer les algorithmes appliqués à l'analyse des réseaux sociaux aux NFT, notamment en ce qui concerne le trading et le marketing », indique Simone Casale Brunet. Aujourd’hui, ces stratégies et analyses commerciales ne s’appliquent pas encore au NFT, mais pourraient le devenir et apporter plus d’assises à ce nouveau marché de l’art contemporain digitales.