Prévoir l'inconnu
Comment prédire quelque chose que vous n'avez jamais (ou très rarement) observé ? Comment rendre les résultats des algorithmes d'intelligence artificielle interprétables par les experts ? Comment soutenir les experts dans leurs décisions lorsque les algorithmes ont détecté quelque chose ? Olga Fink se penche sur ces questions dans le cadre de ses recherches. À 37 ans, elle est professeure de systèmes de maintenance intelligents à l'ETH Zurich.
Avec son groupe de recherche, elle développe des algorithmes d'intelligence artificielle pour améliorer la sécurité et la durée de vie des installations critiques pour la sécurité, telles que les centrales électriques, les installations industrielles ou les systèmes de transport. «Notre recherche peut être comparée à la surveillance de la santé des personnes, mais à la différence que nos patients sont des véhicules ou des installations industrielles», illustre la scientifique.
Tirer les leçons des cas exceptionnels
Habituellement, les algorithmes apprennent à partir d'exemples. Ils ont besoin d'autant de données que possible pour apprendre des modèles et les transférer vers de nouvelles données. Pour les événements rares tels que les défaillances de systèmes critiques pour la sécurité, de tels exemples font défaut. «De telles installations ne sont conçues pour éviter les pannes. Dans certains cas, il faudrait des décennies pour recueillir suffisamment d'exemples dont on pourrait tirer des enseignements», explique Olga Fink, en décrivant le défi qu'elle relève chaque jour. Le développement d'algorithmes permettant de prédire de tels événements est au cœur de ses recherches.
Parmi les exigences qui sont demandées aux algorithmes se trouve l'adaptabilité : dans la mesure du possible, chaque algorithme serait applicable aux nouveaux systèmes pour lesquels pratiquement aucune donnée n'a encore été collectée. Toutefois, leur utilisation ne doit pas se limiter à un seul système, mais à de nombreux. Les expert·es doivent également être en mesure de suivre et d'interpréter les résultats des algorithmes, afin qu'ils aient également confiance dans les recommandations formulées.
Pour rendre tout cela possible, la professeure Fink réunit le meilleur de deux mondes : la capacité d'apprentissage des algorithmes d'IA et l'interprétabilité des modèles physiques. Elle combine des algorithmes avec des modèles physiques qui modélisent le comportement des systèmes. «Cela nous permet non seulement de prévoir quand le système va tomber en panne, mais aussi d'adapter le fonctionnement des systèmes de telle sorte que les effets des dysfonctionnements ou des pannes soient atténués», souligne-t-elle.
«Mon objectif est de développer des méthodes innovantes»
La scientifique travaille sur les systèmes intelligents de prévision des erreurs depuis 2009, date à laquelle elle a commencé son doctorat à l'ETH Zurich. Après avoir terminé sa thèse, elle a poursuivi son travail scientifique au Massachusetts Institute of Technology (MIT) en tant que scientifique affiliée et a pris en même temps un poste dans l'industrie ferroviaire. «Mon objectif est de développer des méthodes innovantes qui permettent de résoudre les problèmes pertinents dans cette branche. Pour ce faire, il faut avoir de l'expérience et des connaissances dans ce secteur.»
Mais elle a vite compris qu'elle voulait se concentrer entièrement sur la recherche. Elle a donc rapidement rejoint l'Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW), où elle a développé une recherche dans le domaine des systèmes de maintenance intelligents en tant que cheffe de groupe. Elle est ensuite retournée à l'ETH Zurich en 2018, où on lui a proposé une chaire de professeure financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS).
«Avant de déménager en Allemagne avec ma famille à l'âge de treize ans, j'ai grandi en Sibérie occidentale, raconte-t-elle. La vie y est dure, mais j'ai vu comment la créativité rendait possible des choses qui semblaient impossibles». Cela a façonné sa façon d'être. «Il y a toujours un moyen de tirer le meilleur parti d'une situation.
Les moyens créatifs déterminent également ses recherches. Par exemple, la scientifique, qui a rejoint l'illustre cercle des jeunes scientifiques du WEF en 2019, est actuellement en train de rendre ses algorithmes utilisables dans d'autres domaines, tels que la prévision des inondations ou la détection précoce des risques naturels. «Plus nous approfondissons la recherche, plus je vois de potentiel et plus mon horizon s'élargit», explique Olga Fink.
Développer de nouvelles idées
D'ailleurs, elle n'aime pas seulement le grand horizon au sens figuré. Un de ses endroits préférés est un banc près de sa ville, Winterthour, d'où elle peut voir jusqu'au château de Kyburg. Elle vient souvent sur ce banc pour développer de nouvelles idées. Sur le plan personnel, elle aime aussi élargir ses horizons et rencontrer des gens du monde entier. Dans son groupe de recherche, elle a rassemblé des personnes de différentes nationalités et, en privé, elle est mariée à un Indien depuis plus de dix ans. Pour elle, ce mariage est un symbole de sa vie. «Nous relions l'Asie et l'Europe et vivons notre propre mélange culturel.»