La stimulation cérébrale non-invasive améliore l'apprentissage moteur

Grâce à une nouvelle technique de stimulation cérébrale non invasive, des scientifiques de l’EPFL montrent qu’il est possible de renforcer l’activité des structures cérébrales profondes et d’améliorer l’apprentissage moteur. Leurs recherches ouvrent de nouvelles voies pour le traitement non invasif des troubles du cerveau.
© Flyazure / 2023 EPFL

De plus en plus de traitements neurologiques commencent à reposer sur la neuromodulation. Il s’agit d’une technique qui utilise une stimulation électrique ciblée ou des agents chimiques pour modifier l’activité de zones neurologiques spécifiques dans le cerveau et le corps en général. La stimulation du cerveau pour la neuromodulation est également essentielle pour mieux comprendre son fonctionnement. En influençant directement l’activité et les circuits neuronaux, les chercheuses et chercheurs peuvent étudier les relations de causalité entre l’activité cérébrale et le comportement, et percer les mystères de la neuroplasticité, de l’apprentissage et de la mémoire dans le cadre de divers troubles neurologiques et psychiatriques.

Les technologies de stimulation cérébrale profonde non invasive laissent augurer de nouvelles interventions thérapeutiques pour les troubles neurologiques et psychiatriques tels que les accidents vasculaires cérébraux, la démence et les lésions cérébrales traumatiques. Bien que les structures cérébrales profondes soient importantes pour le traitement de ces troubles, les méthodes traditionnelles de stimulation cérébrale non invasive ne peuvent pas les atteindre sans affecter l’ensemble du cortex sus-jacent. Cela signifie qu’actuellement, le ciblage des structures cérébrales profondes à des fins d’intervention n’est possible qu’avec des techniques invasives.

Des scientifiques sous la houlette de Friedhelm Hummel Hummel, titulaire de la chaire Defitech de neuro-ingénierie clinique de l’EPFL ont mis en œuvre une nouvelle technique appelée «stimulation électrique transcrânienne par interférence temporelle» (tTIS) pour la neuromodulation non invasive chez l’être humain afin de cibler les structures profondes et d’améliorer l’apprentissage moteur chez des sujets âgés en bonne santé. Ces recherches, dont les principaux auteurs sont Maximilian J. Wessel et Elena Beanato, sont publiées dans Nature Neuroscience.

«C’est la première fois que l’on démontre chez l’être humain la possibilité de neuromoduler de manière non invasive et ciblée le striatum et d’améliorer le comportement correspondant.»      Friedhelm Hummel Hummel, titulaire de la chaire Defitech de neuro-ingénierie clinique de l’EPFL

Les scientifiques ont combiné la modélisation informatique, les études IRMf et les évaluations comportementales pour montrer, pour la première fois, que la tTIS peut moduler spécifiquement une aire cérébrale profonde appelée striatum, qui est le centre de traitement du contrôle moteur et de l’apprentissage. Contrairement à d’autres techniques de neuromodulation profonde, la tTIS a pu atteindre le striatum sans procédures invasives.

«Nous nous sommes intéressés à l’apprentissage, car il est essentiel pour l’acquisition continue de compétences au cours de la vie et pour la récupération après un handicap moteur», affirment Maximilian J. Wessel et Elena Beanato.

Les scientifiques ont appliqué des salves d’impulsions électriques selon un schéma spécifique («salve thêta») pour moduler l’activité cérébrale chez des sujets humains. Il a été démontré que ce schéma induit des changements de l’excitabilité neuronale et des propriétés neuroplastiques, avec un grand potentiel d’application pour l’amélioration cognitive et la neuroréhabilitation.

La tTIS à rafales thêta a révélé une forte activité dans le striatum et dans le réseau moteur associé. Les participantes et participants âgés en bonne santé, dont les capacités d’apprentissage naturelles sont généralement inférieures à celles des jeunes, ont montré un effet plus important de la stimulation avec une amélioration plus prononcée des performances motrices. Cela suggère que la TTIS pourrait notamment améliorer l’apprentissage chez les populations présentant des troubles de la motricité.

«C’est la première fois que l’on démontre chez l’être humain la possibilité de neuromoduler de manière non invasive et ciblée le striatum et d’améliorer le comportement correspondant», déclare Friedhelm Hummel.

La nature non invasive de la tTIS et sa capacité à moduler sélectivement les structures cérébrales profondes sans affecter le cortex sus-jacent ou d’autres aires fonctionnelles en font un nouvel outil intéressant pour la recherche en neurosciences. Elle constitue également les fondements de stratégies de traitement innovantes et non invasives pour les troubles cérébraux dans lesquels les structures striatales profondes jouent un rôle clé, tels que la démence, la dépendance ou les accidents vasculaires cérébraux.

Plus d'informations

Autres contributeurs

Hôpital universitaire de Wurzbourg, Université Catholique de Louvain, ETH Zurich, Centre des neurosciences de Zurich, Université de Surrey, Hôpital de Sion (Suisse), Imperial College London, Fondation IT’IS, Faculté de médecine de l’université de Genève, Institut britannique de recherche sur la démence (UK Dementia Research Institute).

Financement

  • Fondation Defitech
  • Fondation Bertarelli (programme Catalyst)
  • Fondation Novartis (FreeNovation)
  • Wyss Center for Bio and Neuroengineering
  • PHRT (Domaine des EPF)
  • Hôpital universitaire de Wurzbourg (IZKF)

Références

Maximilian J. Wessel, Elena Beanato, Traian Popa, Fabienne Windel, Pierre Vassiliadis, Pauline Menoud, Valeriia Beliaeva, Ines R. Violante, Hedjoudje Abderrahmane, Patrycja Dzialecka, Chang-Hyun Park, Pablo Maceira-Elvira, Takuya Morishita, Antonino Cassara, Melanie Steiner, Nir Grossman, Esra Neufeld, Friedhelm C. Hummel, Noninvasive theta burst stimulation of the human striatum enhances striatal activity and motor skill learning, Nature Neuroscience 19 October 2023