Une puce électronique à deux têtes

Des chercheurs de l’EPFL ont réalisé un circuit électronique cumulant deux fonctions - la mémoire et les opérations logiques - sur le même support, permettant la réalisation d’appareils plus performants et particulièrement intéressant pour des applications utilisant l’intelligence artificielle.
© 2020 EPFL / LANES

C’est une avancée de taille dans le monde de l’électronique. Des chercheurs de l’EPFL ont mis au point une nouvelle génération de circuits, qui rend possible l’avènement d’appareils plus petits, plus rapides plus économes en énergie et particulièrement intéressante pour les applications exigeantes utilisant l’intelligence artificielle. La technologie révolutionnaire qu’ils proposent permet d’allier facilement deux fonctions sur la même puce - la mémoire et les opérations logiques - tout en intégrant pour la première fois un matériau 2D. Cette invention fait l’objet d’une publication aujourd’hui dans la revue Nature.

L'une des limites principales à une plus grande performance énergétique des ordinateurs est due à l’architecture des ordinateurs dite «von Neumann», qui sépare les supports dédiés aux processeurs et à la mémoire. Cette structure oblige un constant transfert de données entre les deux et engendre d’importantes pertes d’énergie et de temps.

Or, ces pertes peuvent être réduites en utilisant le même dispositif pour le stockage des données et les calculs. C’est ce que propose la nouvelle génération de circuits développée à l’EPFL. Celle-ci est basée sur l’utilisation du MoS2, un semiconducteur faisant partie de la famille des matériaux 2D, qui se caractérise par une structure moléculaire de base composée d’une couche ne comptant qu’un ou quelques atomes seulement. Ses propriétés électroniques particulièrement intéressantes avaient été mises au jour il y a quelques années déjà par le Laboratoire d'électronique et structures à l'échelle nanométrique (LANES). C’est ce même laboratoire qui, aujourd’hui, présente ce nouveau circuit «à deux têtes».

Cette puce fait partie de la famille des transistors dit «à grille flottante». Capable de retenir une charge électrique pendant des périodes très longues, ce type de dispositif est traditionnellement utilisé comme mémoire flash pour le stockage numérique, par exemple dans les appareils photo, téléphones mobiles ou ordinateurs. Mais les chercheurs du LANES ont trouvé le moyen de tirer profit des propriétés électriques du MoS2, à savoir une grande sensibilité aux charges stockées dans la grille flottante, qui permet d’utiliser ces dispositifs à la fois comme mémoires et comme transistors programmables. Grâce à cette particularité, les chercheurs ont réussi à implémenter un grand nombre de fonctions logiques dans le même circuit.

Grand savoir-faire

«Cette faculté à changer la fonction d’un même circuit se rapproche du fonctionnement du cerveau, où la même structure, c’est-à-dire le neurone, est à la base de la mémoire et du calcul mental, relève Andras Kis, qui dirige le LANES. Elle offre de nombreux avantages, comme de réduire considérablement les pertes d’énergie induites par l’échange d’informations entre la mémoire vive et le processeur, mais aussi le temps nécessaire pour mener les opérations et la taille du système. Ce qui permettra d’aller au final vers des appareils plus petits, plus performants et plus efficients énergétiquement parlant.»

Les scientifiques ont également développé un grand savoir-faire pour ce qui est du processus de fabrication de circuits électroniques basés sur l’utilisation des matériaux 2D. «La première puce, il y a dix ans, était confectionnée à la main, décrit Andras Kis. Aujourd’hui, nous disposons d’une technique avancée permettant d’en faire 80 et plus d’un seul coup, avec des propriétés bien contrôlées.»