«Il faut être courageux pour réussir dans la science»

La géochimiste Denise Mitrano a reçu cette année un SNSF Eccellenza Professorial Fellowship. Cette bourse lui permettra de créer son propre groupe de recherche en tant que professeur assistant à l’EPF Zurich.  Elle entend mettre cette chance à profit pour faire un pas supplémentaire vers son objectif de carrière, à savoir devenir professeure ordinaire.
Photo: Peter Penicka

Denise Mitrano fait des recherches sur de minuscules particules qui ne mesurent pas plus de quelques millionièmes à quelques millièmes de millimètres.   Elle est arrivée à l’Eawag il y a trois ans et y a mis en place son propre groupe de recherche «Laboratoire des particules» au département Technologie des procédés. Elle a développé durant cette période un procédé capable de suivre les voies empruntées par le nanoplastique dans l’environnement. Chose impossible jusqu’alors. Avant d’arriver à l’Eawag, Denise Mitrano avait suivi un cursus postdoctoral à l’Empa et obtenu son titre de docteur à la «Colorado School of Mines» aux USA.

Américaine de naissance, elle a reçu au début de cette année un «SNSF Eccellenza Professorial Fellowship». Cette bourse est accordée à des chercheurs d’exception de toutes les disciplines titulaires d’un doctorat ou d’une qualification équivalente, suivant une carrière universitaire mais n’ayant pas encore obtenu un poste de professeur assistant.  Âgée de 34 ans, Denise Mitrano créera dès le 1er juillet 2020 son propre groupe de recherche dénommé «Environmental Chemistry of Anthropogenic Materials» en qualité de professeur assistant au département des sciences des systèmes environnementaux à l’EPF de Zurich. La tâche principale de ce groupe sera d’analyser le microplastique et le nanoplastique pour déterminer leur impact sur l’environnement.

Denise, 229 chercheurs ont postulé pour cette bourse, tu fais partie des 34 lauréats – sais-tu pourquoi?

Ces dernières années, mon domaine de recherche a suscité un très vif intérêt, même auprès de l’opinion.  Je me souviens que personne ou presque ne s’intéressait ni au microplastique ni au nanoplastique lorsque j’ai commencé mon postdoctorat à l’Empa.  Mais aujourd’hui c’est un sujet très débattu. Par ailleurs, ma demande de bourse était bonne, tout comme ma liste de publication d’articles scientifiques.  J’ai également marqué des points car je vis en Suisse depuis cinq ans et que je connais très bien le milieu de la recherche du pays.

Pourquoi à ton avis des subventions telles qu’Eccelenza sont-elles nécessaires?

Elles offrent aux jeunes scientifiques une formidable opportunité d’engranger de l’expérience sur le parcours qui mène au poste de professeur ordinaire: que ce soit pour apprendre à recueillir des fonds pour la promotion de la recherche, pour enseigner, pour encadrer des travaux de doctorat ou pour étendre son réseau.  Néanmoins, l’incertitude liée à un contrat de travail à durée déterminée persiste.  Au bout de cinq ans, un Eccelenza ne débouche pas sur un contrat à durée indéterminée comme c’est le cas pour un programme «Tenure Track».

Cela signifie qu’il faut retrouver un emploi au bout de cinq ans?

Exactement, l’Eccelenza est pour ainsi dire un «Start-up grant». C’est pour cela que je redoublerai d’efforts durant ces cinq ans pour réaliser un travail aussi bon que possible et obtenir des résultats à la hauteur. Mais ça ne me pose pas de problème, je supporte bien le stress.

Un poste de professeur titulaire reste donc ton objectif?

Absolument. Je poursuis ce rêve depuis que j’ai commencé mon travail de doctorat.

Quels conseils peux-tu donner aux jeunes chercheuses et chercheurs qui désirent suivre une carrière universitaire?

Soyez courageux et «think out of the box»! En tant que jeune scientifique, il faut miser sur une discipline nouvelle et des méthodes innovatrices. Cela comporte certes des risques mais, dans le meilleur des cas, on peut devenir un pionnier de sa propre discipline.