AVC: une meilleure récupération cognitive pour traiter la paralysie

Les survivants d’un AVC ont retrouvé des fonctions du bras et de la main avec un nouveau protocole de réhabilitation, grâce à une électrostimulation finement calibrée de certains muscles.
© iStock / Mr. Suphachai Praserdumrongchai

Après s’être allongé pendant un certain moment dans une position, si on exerce une pression sur un nerf, il arrive que l’on ne puisse plus sentir son bras. On ne peut plus percevoir l’emplacement ni la taille du membre, et il donne l’impression de ne plus appartenir au corps. Si la situation se prolonge pendant des années, elle fausse de manière chronique la représentation du membre supérieur par le cerveau. Ce trouble de la représentation du corps est un problème neurologique. Après un accident vasculaire cérébral, il fait partie des conséquences à long terme les plus communes. Il affecte gravement la façon dont les personnes se servent de leur corps pour se mouvoir, agir et sentir.

Les patients victimes d’un AVC rapportent une longue liste de symptômes, dont l’incapacité d’incarner leur propre bras. Ils en mentionnent d’autres, comme l’inaptitude à contrôler les muscles du bras et de la main, de doser leur force avec finesse quand ils manipulent un objet, ainsi que la difficulté à percevoir bras et mains en général.

Sans traitement, les déficits sensoriels et de la représentation corporelle peuvent amener les patients à percevoir leur membre comme plus court, moins sensible, moins réactif, voire à l’oublier.

Dans l’Union européenne, les attaques cérébrales sont la première cause de handicap chez les adultes selon une étude de 2020, et le covid a empiré la situation. Depuis le début de la pandémie, on a vu une augmentation considérable des patients AVC qui ont besoin d’assistance et de réhabilitation à long terme, ainsi que des attaques relatives à la grippe chez de jeunes patients. Bien qu’une partie des survivants récupèrent, les défaillances des membres supérieurs peuvent prendre une forme chronique et affecter gravement le comportement de plus de 75% des patients AVC.

Pour une meilleure réhabilitation, une stimulation électrique neuromusculaire innovante

Aujourd’hui, un consortium montre que, combinée aux pratiques actuelles de réhabilitation, une stimulation finement calibrée du système neuromusculaire montre un potentiel prometteur pour que les patients souffrant de handicaps durables puissent récupérer le contrôle et la représentation corporelle des membres supérieurs. Le groupe rassemble neuroscientifiques, cliniciens et neuroingénieurs du laboratoire de neurosciences cognitives de l’EPFL (dirigé par Olaf Blanke), du MySpace Lab du CHUV (dirigé par Andrea Serino), de l’Hôpital Villa Beretta (dirigé par Franco Molteni). Il est présidé par le laboratoire d’ingénierie neurale translationnelle de l’EPFL (dirigé par Silvestro Micera). Le détail de leurs protocoles de stimulation électrique neuromusculaire (NMES), testés sur 45 patients AVC chroniques, fait aujourd’hui l’objet d’une publication dans MED, la nouvelle revue clinique et translationnelle éditée par CELL. Le projet a reçu des financements des fondations CARIGEST et CARIPLO.

«Notre procédé peut potentiellement faciliter les interventions en neuroréhabilitation quand elles visent de multiples domaines perceptuels, dont l’acuité des sensations tactiles, la perception de la taille du corps et, en conséquence, la restauration de l’usage des bras, explique le premier auteur Andrea Crema. Notre approche réduit la dissociation perceptuelle des membres affectés. C’est pourquoi il est si important de stimuler électriquement les muscles des survivants avec AVC chronique, et de personnaliser la thérapie pour pallier des déficiences précises.»

© 2022 EPFL

Les améliorations motrices et somatosensorielles ont persisté après la fin du traitement. De plus, le protocole d’électrostimulation améliorait la représentation corporelle, c’est-à-dire les dimensions perçues et les sensations altérées du membre affecté. «De manière intéressante, la réduction des sensations altérées était corrélée avec des améliorations motrices, et dépendait de la quantité d’électrostimulation», explique Andrea Crema.

Un gant robotique de réhabilitation et une nouvelle stimulation électrique neuromusculaire (NMES)

Au total, 45 patients AVC ont effectué chacun 27 sessions de NMES pendant une période de neuf semaines. Chaque session durait 90 minutes, dont 60 consacrées à la réhabilitation classique en physiothérapie, et 30 reposant sur un gant robotique ou une NMES sur mesure. Les patients étaient répartis en trois groupes avec une proportion variée de réhabilitation conventionnelle et de NMES. Le premier groupe utilisait un gant robotique pendant toutes les sessions additionnelles pour exécuter des exercices dirigés sur des tâches particulières. Le second groupe exploitait un nouveau protocol NMES pendant ces sessions. Le troisième employait le gant robotique pour une moitié de la session, et la NMES pour l’autre.

Les scientifiques ont mesuré les performances motrices, les aptitudes sensorielles et les perceptions corporelles de chaque patient avant, pendant et après l’essai clinique de neuf semaines.

Les patients récupéraient plus rapidement avec la NMES qu’avec le gant robotique. A la fin du traitement, les améliorations motrices étaient plus marquées dans les groupes qui utilisaient exclusivement ou partiellement la NMES, en comparaison du groupe qui ne faisait usage que du gant. Enfin, les progrès s’étendaient aux mesures des fonctions somatosensorielles et de la représentation corporelle.

«Cette étude montre qu’il est important d’évaluer les multiples dimensions des fonctions après un AVC, et elle ouvre la voie à des protocoles de réhabilitation cliniques plus efficaces.»      Silvestro Micera, EPFL TNE

Cette étude est consacrée à des patients AVC chroniques, qui sont passés par de multiples interventions auparavant. Ils avaient atteint ce que l’on considérait comme un plateau dans leur récupération. Les résultats montrent qu’une thérapie intense et ciblée, tout particulièrement avec la NMES, peut repousser les limites de la réhabilitation. Ils suggèrent aussi que les patients victimes d’un AVC subaigu, qui n’ont subi qu’une seule attaque, pourraient aussi bénéficier de la NMES. Mais cela reste à tester.

«Avec les patients victimes d’un AVC subaigu, le défi réside dans une perception sensorielle et une représentation corporelle plus volatile. Ils pourraient aussi tirer parti de la NMES, si celle-ci est adaptée de manière appropriée à leur état qui évolue rapidement», explique Andrea Crema.

L’une des nouveautés majeures de l’étude réside dans le ciblage et l’évaluation non seulement de la récupération motrice, mais aussi des déficiences sensorielles et des représentations corporelles. «Cette étude montre qu’il est important d’évaluer les multiples dimensions des fonctions après un AVC, et elle ouvre la voie à des protocoles de réhabilitation cliniques plus efficaces», explique Silvestro Micera.

En ce moment, les scientifiques travaillent sur un nouveau système à même de fournir des niveaux plus fins de stimulation motrice et sensorielle, avec des types de stimulation plus variés.