Comment réduire la quantité de cobalt dans les batteries des voitures électriques?

L'électrification des transports est en augmentation. Cela signifie que davantage de batteries sont nécessaires. Cependant, certaines d'entre elles contiennent une matière première extrêmement problématique : le cobalt. Le PSI recherche des alternatives.

Dans l’Union européenne, près d’un cinquième des émissions de dioxyde de carbone sont dues au trafic routier. Pour atteindre l’objectif de la neutralité climatique d’ici 2050, la Commission de l’UE interdit la vente de voitures neuves équipées de moteurs à essence ou diesel. À partir de 2035, plus aucune voiture neuve mise sur le marché ne pourra émettre de dioxyde de carbone (CO2). Les moteurs à combustion roulant avec des carburants neutres pour le climat, ou e-fuels, resteront autorisés. La Suisse est aussi concernée par cette réglementation, son petit marché n’étant plus rentable pour les constructeurs européens de moteurs à combustion utilisant des carburants fossiles. La décision de l’UE va donc probablement encore accentuer la tendance aux véhicules équipés de batteries électriques en Suisse.

Le transport routier doit devenir neutre en termes de climat, ce qui entraîne une demande croissante pour les véhicules électriques à batteries, et par conséquent, pour les batteries elles-mêmes. Actuellement, cependant, la plupart des batteries contiennent du cobalt provenant de l'Afrique centrale, où les pratiques minières ont été critiquées pour le travail des enfants, les faibles normes de sécurité et environnementales, et les violations des droits de l'homme. Le PSI recherche des alternatives pour réduire la quantité de ce métal problématique utilisée dans les batteries. (Vidéo: Institut Paul Scherrer/Benjamin A. Senn, Markus Fischer, Mahir Dzambegovic)

L'empreinte environnementale des voitures électriques

En matière environnementale, les véhicules équipés de batteries électriques présentent de nombreux atouts: leur rendement est en partie nettement plus élevé que celui des moteurs à combustion fossiles ou synthétiques ou encore des véhicules équipés de piles à combustible. Cela signifie que l’énergie engagée peut être utilisée sans grandes pertes. Suivant le modèle, les véhicules équipés de batteries perdent seulement 20 % d’énergie tandis que ceux équipés de piles à combustible en perdent jusqu’à 60 %, essentiellement au niveau de la fabrication de l’hydrogène.

L’empreinte carbone de l’utilisation des voitures électriques est aussi nettement plus faible. Hormis l’usure des pneus et des plaquettes de frein, elles ne produisent en effet aucune émission directe. La production d’électricité a moins d’effets sur l’environnement que la production et la combustion des carburants fossiles, même si le courant utilisé n’est pas totalement vert. Les processus de recyclage permettent en outre de réutiliser de nombreux composants du véhicule lorsque celui-ci arrive en bout de vie, mais principalement la batterie.

Il faut pourtant admettre que la fabrication de voitures électriques provoque des nuisances climatiques 25 à 50 % plus importantes que les véhicules conventionnels, en particulier en raison des éléments électroniques et de la production des batteries qu’elles contiennent. La voiture écologique arrive donc sur le marché avec une empreinte carbone nettement plus importante que ses homologues fonctionnant avec des carburants fossiles. Mais puisqu’elle ne provoque pas d’émissions directes, elle peut rattraper son retard à chaque kilomètre parcouru. Après avoir roulé 200 000 kilomètres, une voiture électrique en Suisse a émis environ 50 % de gaz à effet de serre en moins qu’une voiture équipée d’un moteur à carburant fossile.

Les conséquences négatives de la batterie n’en disparaissent pas pour autant; hormis le fait que les matières premières nécessaires entraînent des dépendances politiques, elles polluent l’environnement et leur extraction a souvent lieu dans des mines soupçonnées de faire travailler des enfants.

Le problème avec le cobalt

Les batteries de voitures électriques les plus courantes à l’heure actuelle sont des accumulateurs NMC. Elles contiennent du nickel, du manganèse et du cobalt en quantités variables. Ces éléments servent de base au matériau de cathode, à savoir la partie de la batterie responsable de sa performance. Le cobalt est un composant important, car il contribue à accroître la densité énergétique des batteries. Il améliore aussi la stabilité des cathodes et prolonge la durée de vie de l’accumulateur. Malheureusement, le cobalt est extrêmement rare, puisqu’il ne forme que 0,004 % de la croûte terrestre. La République démocratique du Congo possède le plus grand gisement de cobalt au monde, au point que 70 % environ des besoins annuels en cobalt mondiaux proviennent de ce pays d’Afrique centrale.

Alors que l’extraction du cobalt est en majeure partie industrielle, 15 à 30 % de cette activité relève de la petite exploitation minière, selon les estimations. Il s’agit de mineurs indépendants, souvent aussi des femmes et des enfants, qui travaillent à la main pour trouver le précieux métal dans des tunnels menaçant de s’effondrer, avec un équipement parfois rudimentaire. Les chaînes de livraison sont rarement transparentes, les conditions d’exploitation problématiques et la provenance exacte de la matière première reste opaque malgré la déclaration de l’entreprise minière. L’exploitation industrielle peut par ailleurs provoquer des émissions de poussières et de dioxyde de soufre et polluer l’eau potable, les sols, les champs et l’air.

Les alternatives

Les chercheurs et les chercheuses du laboratoire pour les électrodes de batteries et les piles de l’Institut Paul-Scherrer PSI tentent de trouver des solutions qui permettraient de réduire la part de cobalt dans les batteries. Une piste serait par exemple d’augmenter la part de nickel. Sa densité énergétique est même plus élevée que celle du cobalt, ce qui signifie que les batteries contenant plus de nickel sont potentiellement capables de stocker davantage d’énergie.

Les matériaux actifs pour les batteries au lithium, nickel, fer et manganèse sont une autre piste explorée au PSI. Dans ce cas de figure, le fer remplace le cobalt dans le matériau de la cathode. Le matériau possède une très haute capacité et un grand potentiel de travail, ce qui permet d’atteindre une densité énergétique plus élevée que dans des batteries courantes.

Pour leurs expériences, les chercheurs et les chercheuses du PSI mélangent le matériau de cathode alternatif, en enduisent les électrodes puis assemblent les différentes cellules qui constituent la batterie. Raccordées séparément, ces cellules sont sans cesse chargées et déchargées. Ce procédé permet d’observer comment les éléments chimiques réagissent dans la cellule et comment ils évoluent. Les grandes installations de recherche du PSI permettent également de se faire une idée précise de la vie intérieure des batteries. La lumière synchrotron de la Source de Lumière Suisse SLS sert par exemple à déterminer les changements de la structure des éléments en lithium dans la batterie pendant le processus de charge et de décharge.

Le cobalt peut être remplacé de différentes manières. Toutes les options ont des avantages et des désavantages en matière de densité énergétique, de durée de vie et de charge, de sécurité et de disponibilité des matières premières. Il est donc important de développer un large spectre de technologies afin de pouvoir les utiliser dans différents domaines pour résoudre des problèmes variés. Cette approche permettrait de réduire la quantité de cobalt utilisée et d’éviter la dépendance à certaines matières premières.

La série vidéo L’avenir de l’énergie se penche sur les questions qui surgissent au quotidien en matière de transition énergétique en Suisse. Chaque épisode aborde une question dans une courte vidéo. Les solutions possibles qui sont formulées s’appuient sur la recherche énergétique menée à l’Institut Paul Scherrer.