Comment l'âge et le genre influent sur notre horloge biologique

Des chercheuses et chercheurs de l’EPFL ont mis au jour les subtilités des rythmes d’expression des gènes chez l’être humain, ce qui permet de mieux comprendre comment le genre et l’âge influencent notre horloge biologique.
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Le corps humain fonctionne selon une horloge parfaitement réglée et synchronisée avec le cycle de rotation de la Terre de 24 heures. Cette horloge, appelée horloge circadienne, contrôle divers processus physiologiques tels que le cycle veille-sommeil, la production d’hormones et le métabolisme.

Dans une récente étude, des chercheuses et chercheurs dirigés par Felix Naef de l’EPFL ont pu découvrir l’organisation des rythmes d’expression des gènes spécifiques aux tissus chez l’être humain, ce qui permet de clarifier comment notre horloge biologique dépend du genre et de l’âge.

Dans les organismes modèles, l’analyse des rythmes moléculaires se fait généralement à l’aide de mesures horodatées, mais ces données ne sont pas facilement accessibles chez l’être humain. Pour contourner cet obstacle, les chercheuses et chercheurs ont utilisé les mesures existantes d’une grande cohorte de donneuses et donneurs post-mortem en les combinant à un nouvel algorithme informatique conçu pour attribuer des heures d’horloge interne à près de mille donneuses et donneurs.

«Ce qui est intéressant, c’est que l’algorithme de science des données que nous avons mis au point ressemble à des modèles de systèmes magnétiques, qui sont très étudiés en physique statistique», explique Felix Naef. Grâce à cette approche innovante, les chercheuses et chercheurs ont obtenu la première vue d’ensemble complète et précise de l’organisme sur les rythmes d’expression des gènes sur 24 heures dans 46 tissus humains.

«Ce qui est intéressant, c’est que l’algorithme de science des données que nous avons mis au point ressemble à des modèles de systèmes magnétiques, qui sont très étudiés en physique statistique.»      Felix Naef, EPFL

L’étude a révélé que les propriétés du mécanisme de l’horloge centrale sont conservées dans tout le corps et ne changent pas de manière significative avec le genre et l’âge. Par ailleurs, l’analyse a montré des programmes complets de rythmes d’expression des gènes dans les principaux compartiments du métabolisme, des voies de réponse au stress et de la fonction immunitaire, et ces programmes atteignaient un pic deux fois par jour.

En fait, l’organisation émergente du rythme circadien dans l’ensemble du corps montre que l’expression rythmique des gènes se produit sous forme de vagues du matin et du soir, le rythme dans la glande surrénale atteignant son pic en premier, tandis que les aires cérébrales affichent une rythmicité beaucoup plus faible que les tissus métaboliques.

La répartition des donneuses et donneurs par genre et par âge a révélé une richesse jusqu’alors inconnue de rythmes d’expression des gènes spécifiques au genre et à l’âge, répartis sur plusieurs fonctions biologiques. Il est intéressant de noter que les rythmes d’expression des gènes étaient dimorphiques selon le genre (différents chez les hommes et les femmes) et plus soutenus chez les femmes, tandis que les programmes rythmiques étaient généralement réduits avec l’âge dans tout le corps.

Les rythmes sexo-dimorphiques, qui font référence aux différences entre les hommes et les femmes, étaient particulièrement perceptibles dans la «détoxification xénobiotique» du foie, le processus par lequel le foie neutralise les substances toxiques. En outre, l’étude a révélé qu’avec l’âge, le rythme d’expression des gènes diminue dans les artères du cœur, ce qui peut expliquer pourquoi les personnes âgées sont plus sujettes aux maladies cardiaques. Ces informations pourraient être utiles dans le domaine de la «chronopharmacologie», qui est l’étude de l’influence de l’horloge interne sur l’efficacité des médicaments et leurs effets secondaires.

Cette étude apporte de nouvelles informations sur l’interaction complexe entre notre horloge biologique, le genre et l’âge. En comprenant ces rythmes, nous pourrions trouver de nouveaux moyens de diagnostiquer et de traiter des pathologies telles que les troubles du sommeil et les maladies métaboliques.