Des carburants verts pour l’aviation

Des chercheurs de l’institut Paul Scherrer PSI et de l'institut partenaire Empa ont démarré l’initiative commune «SynFuels». L’objectif est de développer une méthode pour fabriquer du kérosène à partir de ressources renouvelables. Cette méthode devrait permettre de produire des mélanges de carburant liquide de la plus haute qualité à base de dioxyde de carbone et d’hydrogène issus de sources renouvelables, dont la combustion serait autant que possible exempte de résidus et qui pourraient donc convenir à l’aviation.
L'Empa et le PSI travaillent ensemble sur le carburant synthétique pour l'aviation. Photo : Pascal Meier / Unsplash

Une mobilité sans carburants fossiles, dans l’aviation aussi: tel est l’objectif auquel entend contribuer «SynFuels», la nouvelle initiative commune de l’Empa et du PSI. Au cours des trois prochaines années, les deux instituts de recherche suisses vont chercher conjointement des voies qui permettent de combiner du dioxyde de carbone et de l’hydrogène pour former des molécules à longues chaînes, et ainsi produire des carburants synthétiques. L’idée d’obtenir ainsi des carburants qui conviennent aussi pour l’aviation représente un objectif ambitieux, mais louable, explique Thomas J. Schmidt, directeur de la division de recherche Énergie et environnement au PSI: «Les carburants aviation sont ceux de la plus haute qualité, rappelle-t-il. Si nous réussissons à les produire à partir de ressources renouvelables, nous serions alors en mesure de synthétiser tous les autres carburants.»

Dans un avenir prévisible, il sera impossible de se passer de kérosène – fossile ou synthétique – dans l’aviation. Le kérosène est un mélange d’hydrocarbures avec des caractéristiques chimiques et physiques très précisément spécifiées, qui doivent être impérativement respectées pour l’économie et la sécurité du trafic aérien. Un carburant synthétique doit bien entendu avoir les mêmes propriétés. «Une méthode pour produire de tels carburants à partir de ressources renouvelables est donc très recherché», explique Brigitte Buchmann, cheffe du département Mobilité, énergie et environnement à l’Empa. Le Conseil des EPF finance le programme «SynFuels» à hauteur de 6,2 millions de francs suisses pour les trois prochaines années.

Carburants produits à partir de sources renouvelables

Le dioxyde de carbone et l’hydrogène sont les deux matières premières de la méthode de fabrication qu’ils s’agira de développer. Le dioxyde de carbone est issu de différentes sources, par exemple de la biomasse, de l’air ambiant ou encore de certains processus de production industriels comme la fabrication du ciment. L’hydrogène, lui, est produit à partir d’eau à l’aide d’électricité renouvelable.

La synthèse du carburant liquide ne se fait pas en une étape, mais via un ou plusieurs produits intermédiaires comme le méthane, le monoxyde de carbone, le méthanol, l’éthylène et le diméthyléther. Dans le cadre de l’initiative, les chercheurs entendent analyser les avantages et les défis de ces différentes voies de production. Ils porteront une attention particulière à l’obtention d’une meilleure sélectivité lors de la synthèse des produits intermédiaires et finaux. Une partie importante du projet comprend également des analyses de l’empreinte écologique des combustibles produits, de la contribution qu’ils sont susceptibles d’apporter à la réduction des gaz à effet de serre en Suisse et du caractère économique de leur fabrication.

Partenaires idéaux pour l’innovation

«L’Empa et le PSI se complètent à merveille dans leur travail sur ces objectifs ambitieux», souligne Thomas J. Schmidt. Le PSI s’appuie surtout sur ses expériences accumulées à la plateforme d’essai ESI (pour Energy System Integration). La plateforme ESI teste des alternatives énergétiques renouvelables dans leur interaction. «La production de carburants liquides complète de manière naturelle une recherche que nous menons déjà depuis longtemps au PSI: la synthèse de méthane renouvelable», rappelle Thomas J. Schmidt. Le méthane est l’hydrocarbure le plus simple que l’on puisse produire à partir de dioxyde de carbone et d’hydrogène.

L’Empa se consacre aussi depuis un certain temps déjà à la fabrication de carburants à partir d’énergies renouvelables. C’est à son démonstrateur de mobilité move que la première station-service d’hydrogène de Suisse a vu le jour. L’installation est par ailleurs en phase d’agrandissement pour inclure un nouveau processus de méthanisation. «La coopération de nos deux institutions nous permet de mettre l’accent sur les hydrocarbures liquides, relève Brigitte Buchmann. Ceux-ci sont indispensables pour une mobilité sans carburants fossiles, notamment dans les airs ou sur l’eau.»

Auxiliaires moléculaires

La clé pour la réussite du projet réside dans les catalyseurs, des substances qui déclenchent une réaction chimique ou qui la rendent possible, sans être toutefois consommées lors du processus. A l’Empa comme au PSI, on examine divers catalyseurs et procédés qui permettent de convertir par étapes le dioxyde de carbone et l’hydrogène en hydrocarbures liquides au niveau moléculaire. Ces catalyseurs interviennent dans les processus chimiques ainsi que les processus électrochimiques.

La Source de Lumière Suisse SLS au PSI jouera un rôle important dans le programme «SynFuels», explique Thomas J. Schmidt: «Les mesures à la SLS nous permettront de caractériser précisément les catalyseurs et les réactions conduites avec leur aide, afin d’identifier ceux qui fournissent les meilleurs résultats.» Les grandes installations de recherche permettent de scruter les mécanismes de réaction et par exemple d’étudier les modifications que subissent les catalyseurs pendant l’utilisation, ainsi que l’influence de ces modifications sur l’éventail de produits.