Suivre le cycle de l'eau dans la forêt

Dans le laboratoire forestier «Waldlabor» sur le Hönggerberg, les chercheuses et chercheurs de l'ETH Zurich étudient les processus de stockage et de transport de l'eau dans la forêt. Ils et elles ont récemment montré que la litière et le bois mort du sol forestier ont une influence beaucoup plus importante que prévu sur le bilan hydrique de la forêt.
Sur le trajet des gouttes de pluie à travers l'écosystème forestier, la litière et le bois mort du sol forestier constituent un stockage jusqu'ici sous-estimé. (Photographie : IfU, D-BAUG / ETH Zurich)

Résumé

  • La litière et le bois mort du sol forestier retiennent et évaporent jusqu'à un cinquième des précipitations annuelles, ce qui est beaucoup plus que ce que l'on pensait auparavant.
  • Seuls 62% des eaux de pluie pénètrent effectivement dans le sol de la forêt.
  • Pour les arbres, la quantité d'eau disponible pour la transpiration est moins importante qu'on ne le pensait.
  • La connaissance du cycle de l'eau est essentielle pour comprendre les effets de la sécheresse sur les forêts.

La forêt du Hönggerberg, au nord de Zurich, est à la fois un espace de loisirs et un laboratoire. Le laboratoire forestier appelé Waldlabor se considère comme un site d'éducation et de recherche axé sur l'expérience et ouvert à toutes et tous. Le public, les experts et expertes et les scientifiques vivent, gèrent et observent la forêt cultivée dans le but principal de mieux comprendre et de préserver cet habitat.

Le changement climatique est l'un des thèmes principaux du Waldlabor. Dans le cadre d'un projet pluriannuel, les chercheurs et chercheuses de l'ETH Zurich étudient actuellement comment des conditions plus chaudes et plus sèches affectent l'équilibre hydrique de la forêt. À cette fin, Marius Floriancic, scientifique principal à l'Institut d'ingénierie environnementale, et les professeurs d'hydrologie de l'ETH James Kirchner et Peter Molnar exploitent un système complet de mesure et de surveillance sur le Hönggerberg, près du Holderbach, afin d'enregistrer et de suivre avec précision les flux d'eau entre le sol, les arbres et l'atmosphère.

Dans cette vidéo, l'hydrologue Marius Floriancic décrit le parcours de l'eau dans l'écosystème forestier. (Vidéo : Jessica Droujko / ETH Zurich)

Dans une étude récemment publiée dans la revue Ecohydrology, Marius Floriancic, James Kirchner et Peter Molnar ont pu montrer que le matériel végétal mort sur le sol de la forêt joue un rôle beaucoup plus important qu'on ne le pensait dans le bilan hydrique d'une forêt.

Quelle quantité d'eau reste-t-il pour les arbres ?

Lorsqu'il pleut dans la forêt, il se produit divers processus de transport et de stockage qui doivent encore être étudiés plus en détail. «Pour comprendre l'effet des sécheresses sur les écosystèmes forestiers, nous devons savoir sur quels chemins et en quelles quantités l'eau précipitée se déplace dans la forêt», explique Marius Floriancic, auteur principal de l'étude et chef du projet hydrologique.

Marius Floriancic et ses collègues s'attaquent à des questions fondamentales : Où aboutit l'eau de pluie lorsqu'il pleut dans une forêt ? Quelle proportion se retrouve dans le sol ? Quelle proportion est accessible à la végétation ? Combien de temps faut-il pour qu'une goutte de pluie soit transpirée par les feuilles des arbres ?

Le bilan hydrique du Waldlabor apporte de premières réponses : environ 20% des précipitations annuelles sont retenues dans la canopée des arbres et s'évaporent dans l'atmosphère - c'est ce à quoi l'équipe de recherche s'attendait. Ce qui a surpris, en revanche, c'est que presque la même fraction, soit environ 18% des précipitations, est retenue dans la couche de feuilles mortes, d'aiguilles et de bois mort sur le sol de la forêt. «C'est beaucoup plus que ce à quoi nous nous attendions d'après les résultats de recherches antérieures», explique Marius Floriancic. Cette partie de l'eau s'évapore également dans l'atmosphère.

Au total, environ 38% des précipitations annuelles sont retenues par les canopées et la couche de litière. Cette eau ne contribue pas à la recharge du sol et n'est donc pas disponible pour les plantes. Seuls 62% de l'eau de pluie s'infiltrent dans les sols forestiers. Une grande partie est ensuite absorbée par les herbes et les arbustes qui s'enracinent dans les couches supérieures du sol. «En fin de compte, seule une très petite partie des précipitations atteint les couches profondes du sol, où elle devient accessible aux arbres de la forêt ou recharge les eaux souterraines», note Marius Floriancic.

Comprendre l'évolution des forêts

Selon les scientifiques, le stockage dans la couche de litière et son effet sur le cycle de l'eau en forêt ont été généralement sous-estimés dans le passé et donc souvent négligés dans les bilans hydriques. «Cela signifie que les arbres ont beaucoup moins d'eau disponible pour la transpiration qu'on ne le pensait auparavant», conclut Marius Floriancic. Les arbres vivent en grande partie des précipitations hivernales. C'est l'une des raisons pour lesquelles, contrairement aux herbes et aux arbustes, ils sont mieux à même de survivre à de longues périodes de sécheresse en été, à condition que l'approvisionnement en eau soit suffisant en hiver, explique l'ingénieur en environnement. Par ailleurs, l'évaporation de l'eau retenue dans la couche de litière favorise le microclimat frais et humide de la forêt.

Pourquoi est-ce important ? Parce que la connaissance du bilan hydrique est une condition essentielle pour comprendre les effets de la sécheresse sur les écosystèmes forestiers. Les résultats sont également pris en compte dans la modélisation du bilan hydrique afin de mieux prévoir les changements futurs de la disponibilité de l'eau dans les forêts.

Participer au Waldlabor

Le Waldlabor Zürich (laboratoire forestier de Zurich) présente et étudie la forêt culturelle cultivée par l'être humain. Il s'adresse au grand public et propose des événements passionnants et des visites guidées autour de cinq thèmes principaux : «formes de gestion», «biodiversité et services écosystémiques», «société et forêt» et «changement climatique».

Les personnes intéressées sont invitées à participer à des projets, à des observations (science citoyenne) ou à des travaux pratiques dans la forêt. Mais les personnes qui souhaitent simplement se détendre sont également les bienvenues au Waldlabor.

Sur le site web du Waldlabor (en allemand), dans l'application Waldlabor (en allemand) et sous ETH Zurich in the Waldlabor, vous trouverez tout ce qu'il faut savoir sur ce laboratoire spécial dans la forêt.

Pour leur étude, Marius Floriancic, James Kirchner et Peter Molnar et leurs collègues ont combiné des expériences hydrologiques avec des mesures physiologiques sur les plantes, ont pesé la litière humide et sèche du sol forestier et ont analysé la composition chimique de divers échantillons d'eau. Ils et elles ont ainsi enregistré tous les flux d'eau pendant et après les précipitations, de la rétention par la canopée des arbres et la litière du sol forestier à l'eau du sol, l'eau des plantes et des racines, les eaux souterraines et le ruissellement dans le ruisseau Holderbach.

L'équipe est activement soutenue par des étudiantes et étudiants des départements de science des systèmes environnementaux et d'ingénierie civile, environnementale et géomatique. Grâce à la proximité du campus Hönggerberg de l'ETH Zurich, les jeunes scientifiques du Waldlabor sont activement impliqué·es dans la recherche pratique. «Un groupe d'étudiantes et étudiants assistants nous aide à prélever des échantillons et à mener à bien les expériences», explique Marius Floriancic.

Dans le cadre de cours sur le terrain et de travaux écrits, les étudiants et étudiantes peuvent également étudier de manière indépendante certains aspects du cycle de l'eau et appliquer les connaissances théoriques. Le Waldlabor contribue ainsi de manière significative à la formation pratique des étudiantes et étudiants de l'ETH Zurich.