Se battre contre les tumeurs jusqu’à la dernière cellule cancéreuse

Des chercheurs du PSI ont mis au point un nouveau médicament qui pourrait augmenter les chances de survie de patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique. Ce médicament sera maintenant testé sur des patients dans le cadre du projet PROGNOSTICS. Pour ce faire, un consortium de l’Institut Paul Scherrer, de l’Hôpital universitaire de Bâle et de l’ETH Zurich s’est vu attribuer un financement de 2 millions de francs.
(Graphique: Aurel Märki)

En Suisse, environ 7100 hommes développent chaque année un cancer de la prostate et quelque 1400 d’entre eux en décèdent, car la tumeur a déjà formé des métastases et ne réagit plus aux traitements courants. Pour ces patients, il existe désormais un nouvel espoir: dans le cadre du projet PROGNOSTICS (PeRsOnalized theraGNOstics of metaStaTIC proState cancer), une équipe, emmenée par Roger Schibli du PSI, Damian Wild de l’Hôpital universitaire de Bâle et Nicola Aceto de l’ETH Zurich, teste un nouveau médicament radioactif qui pourrait s’avérer plus prometteur que les médicaments radiopharmaceutiques utilisés jusque-là. Le projet est financé à hauteur de 2 millions de francs, dont 1,7 millions proviennent de l’axe stratégique «Santé personnalisée et technologies associées» du Domaine des EPF. Le projet démarrera en juillet 2023, l'étude clinique débutera en 2024 et se terminera fin 2025.

Un espoir pour un tiers des patients

Environ un tiers des patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique ne répondent pas suffisamment aux médicaments existants. En effet, quelques cellules cancéreuses survivent et peuvent former de nouvelles métastases. A l’avenir, des substances radioactives novatrices pourraient aider ces patients. Depuis environ dix ans, un nouvel isotope – le terbium-161 – fait l’objet de recherches à l’Institut Paul Scherrer pour un usage thérapeutique. Le groupe de recherche emmené par Cristina Müller au Centre des sciences radiopharmaceutiques du PSI a montré lors de tests de laboratoires que le terbium 161 pouvait traiter efficacement les tumeurs. Dans le cadre de PROGNOSTICS, cette démarche prometteuse sera testée sur 30 patients de l’Hôpital universitaire de Bâle, chez lesquels les autres traitements n’ont pas apporté les résultats souhaités.

Ce genre de médicaments, appelé médicaments radiopharmaceutiques, regroupe des substances radioactives que l’on injecte dans la circulation sanguine. Les molécules sont conçues de telle sorte qu’elles s’arriment à la surface des cellules tumorales comme une clé dans une serrure, et non aux cellules saines. Le médicament est porteur à l’une de ses extrémités d’un atome radioactif, dont la désintégration radioactive émet des électrons (désintégration bêta moins). Ces derniers forment des radicaux agressifs dans la cellule tumorale, autrement dit des substances très réactives qui attaquent et détruisent le matériel génétique de la cellule.

Le consortium a à présent identifié une raison possible pour laquelle les médicaments radiopharmaceutiques utilisés aujourd’hui pour traiter le cancer de la prostate n’ont pas d’effet sur un tiers des patients. Les électrons émis lors de la désintégration radioactive déposent trop peu de dose sur les plus petites métastases ou les cellules tumorales individuelles, si bien que celles-ci survivent.

Détruire les cellules tumorales de manière encore plus ciblée

Dans le cadre de PROGNOSTICS, les partenaire testent désormais le terbium-161. Cet isotope émet des électrons de différentes énergies, notamment des électrons de conversion et des électrons Auger. Ces derniers ont une faible énergie et donc une portée de seulement quelques micromètres. Leur énergie est entièrement libérée dans une cellule ou dans un amas de cellules, et leur pouvoir de destruction est d’autant plus ciblé. La cellule tumorale est endommagée, ne peut plus se diviser et finit par mourir, ce qui empêche la formation de métastases.

Les essais précliniques menés sur des souris au PSI ont déjà montré que cette approche était prometteuse. Dans le cadre de PROGNOSTICS, ce nouveau médicament sera désormais testé à l’Hôpital universitaire de Bâle.

Le projet profite du développement d’isotopes aux grandes installations de recherche du PSI, placé sous la direction de Nicholas van der Meulen. PROGNOSTICS réunit des chercheurs des domaines de la physique, de la chimie, de la biologie et de la médecine, qui développent le concept thérapeutique, de la recherche en laboratoire jusqu’à son application chez les patients. Comme le souligne Roger Schibli, ce n’est pas la première fois qu’un tel projet interdisciplinaire est mis en œuvre avec succès: «Par le passé, nous avons déjà démontré que nous étions capables mener efficacement de la recherche translationnelle sur les médicaments», rappelle-t-il.

Si PROGNOSTICS réussit à atteindre les objectifs espérés, d’autres études cliniques de plus grande envergure sont prévues.