L'EPFL franchit une nouvelle étape vers l'électronique du futur

Des scientifiques ont contrôlé la façon dont les excitons, ces quasi-particules qui pourraient transporter les informations dans les appareils électroniques et remplacer les électrons, se repoussent entre eux. Ils ont appliqué un champ électrique sur une structure en matériaux semi-conducteurs en 2 dimensions.
De gauche à droite: les doctorants Fedele Tagarelli et Edoardo Lopriore, avec le Prof. Andras Kis. 2023 EPFL / Alain Herzog CC-BY-SA 4.0

Ils consomment énormément d'énergie pour transporter et stoker l'information, en perdent en fonctionnant, et atteindront bientôt leurs limites quant à la vitesse de traitement et la miniaturisation possibles. Les appareils électroniques sont devenus indispensables à tous les pans de la société, mais face à l'utilisation croissante d'internet, s'approchent de leurs limites. Depuis des années, les scientifiques, dont celles et ceux de l'EPFL, travaillent à des alternatives pour contourner ces limitations, notamment en étudiant les excitons et leur comportement dans les matériaux en 2 dimensions (2D).

Dans cette électronique du futur, plus rapide, plus petite, avec une perte d'énergie très réduite, les excitons – une paire formée d'un électron, chargé négativement, et d'un trou, chargé positivement – remplaceraient ou fonctionneraient avec les électrons pour transporter les informations. C'est la lumière, et non l'électricité, qui serait utilisée pour traiter les informations ou faire des calculs. «La lumière est déjà largement utilisée pour transporter des informations, notamment avec les fibres optiques, indique Fedele Tagarelli, doctorant au Laboratoire d'électronique et structures à l'échelle nanométrique (LANES) du Prof. Andras Kis. Mais les systèmes informatiques basés sur la lumière ont été entravés par des limitations au niveau des matériaux et de la taille».

«Les excitons, contrairement aux électrons, génèrent moins de chaleur en circulant dans un matériau et fonctionnent très bien avec la lumière. Pour exploiter leur potentiel, nous devons toutefois d’abord comprendre et contrôler comment les générer, leurs interactions, leur vitesse, ou encore leur durée de vie. Ces éléments sont encore au stade de la recherche», indique Edoardo Lopriore, également doctorant au LANES. Dans un état idéal de la matière, ces excitons peuvent en effet atteindre un état de superfluidité, qui leur permet de voyager sans énergie, sans résistance, et donc sans perte d'énergie.

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Représentation artistique d'un exciton hybride, généré dans un matériau 2D bicouche et contrôlé par un champ électrique. © LANES

Effet repoussoir

C'est dans ce contexte que les chercheurs du LANES, en collaboration avec la Philipps-Universität Marburg et le National Institute for Materials Science au Japon, se sont intéressés à l'un des principaux comportements des excitons: la manière dont ils se repoussent l'un l'autre. Ils ont mis au point une plate-forme composée de deux couches, supérieure et inférieure, en métal, et d'une couche interne, faite de nombreuses couches de matériaux 2D isolants et semi-conducteurs, superposées et retenues entre elles par une force dite de Van der Waals. Les matériaux en 2 dimensions ont la particularité d'être extrêmement fins et composés de quelques couches d'atomes. «Ils ont des propriétés complètement différentes des matériaux 3D et permettent des phénomènes physiques nouveaux», souligne Fedele Tagarelli.

Ils ont ensuite observé qu'en appliquant une tension électrique sur cette plate-forme, ils parvenaient à contrôler et modifier la façon dont les excitons se repoussent entre eux. «A notre connaissance, c'est la première fois que ce contrôle est démontré, en tout cas de manière aussi simple», ajoute Fedele Tagarelli. «Nous avons découvert une nouvelle méthode pour contrôler les excitons hybrides, qui pourra offrir une opportunité unique pour les études en physique de la matière condensée». Dans ses précédentes recherches, le LANES était déjà parvenu à contrôler la durée de vie et la mobilité des excitons.

Pour que cela fonctionne, les doctorants précisent que les excitons ne doivent pas « recevoir » directement la tension électrique, mais simplement «sentir» un champ électrique, d'où la présence d'une couche protectrice en métal, ainsi qu'une couche d'isolant sur la structure, protégeant les couches de matériaux semi-conducteurs 2D, du diséléniure de tungstène WSe2. Les chercheurs ont effectué les expériences et mesures à très basse température (4 Kelvin).

«Avec cette nouvelle expérience, nous continuons à développer notre boîte à outils pour maîtriser les excitons afin de les rendre utile pour traiter les informations d’une manière plus respectueuse de l'environnement», ajoute le Prof. Andras Kis. Ces résultats sont publiés dans Nature Photonics.