Créer un ventilateur à faible coût pour tous

La professeure Kristina Shea de l'ETH Zurich et son équipe sont occupées à développer un nouveau ventilateur. Leur objectif est de le rendre aussi peu coûteux, modulaire et facile à utiliser que possible - la combinaison idéale pour tout pays qui a besoin de ce dispositif médical.
Prototype fonctionnel du ventilateur. (Photographie : Nicola Pitaro/ETH Zurich)

Kristina Shea, professeure de conception technique et d'informatique, devait initialement commencer son congé sabbatique à l'étranger début mars. Mais le coronavirus a frappé - et la professeure de l'ETH Zurich a dû rentrer à Zurich. Mais elle n'a pas manqué de choses à faire. À peine s'était-elle adaptée au travail à domicile qu'elle a reçu un message d'un hôpital suisse lui demandant si elle pouvait développer un ventilateur à bas prix. Kristina Shea a immédiatement dit oui.

Les développeuses font des progrès rapides

En collaboration avec Marianne Schmid Daners, Melanie Zeilinger et le designer suisse Martin Meier, elle a passé les dernières semaines à développer un ventilateur peu coûteux appelé breathe. L'équipe a fait de rapides progrès malgré le confinement. Le deuxième prototype a été achevé il y a une semaine et des tests techniques effectués  - beaucoup plus rapidement que ce à quoi on aurait pu s'attendre compte tenu des circonstances actuelles : « Il peut être délicat de ne pas pouvoir se rencontrer face à face et de devoir faire la majeure partie du travail à la maison», explique Kristina Shea. Elle a également trouvé difficile de ne pas pouvoir toucher les prototypes : « En tant qu'ingénieure, j'ai l'habitude de toucher les choses pour bien les juger!»

Au cœur du nouveau ventilateur se trouve un «sac ambu», un sac compressible utilisé pour aider un·e patient·e à respirer en cas d'urgence. Il est monté dans un boîtier de moteur. Le moteur actionne deux palettes situées de chaque côté du sac. Les palettes pressent le sac selon un rythme prédéfini pour pousser l'air dans les poumons.

Leur nouvel appareil est pourvu d'un simple panneau de contrôle avec quelques boutons de commande et un affichage numérique. La conception est suffisamment simple pour que les travailleuses et travailleurs de la santé puissent apprendre à l'utiliser en une demi-heure.

Un tube peut être utilisé pour connecter le sac ambu soit au ou à la patient·e soit à un masque. «Notre respirateur est destiné aux situations d'urgence où aucune autre option n'est disponible. Il ne remplace pas le type de respirateur sophistiqué utilisé dans les unités de soins intensifs», explique Kristina Shea.

L'objectif premier du nouveau ventilateur est de fournir une alternative aux pays et aux systèmes de santé qui ne peuvent pas se permettre des appareils plus coûteux ou qui ne peuvent pas les acheter actuellement en raison de la pénurie mondiale de ventilateurs. Les développeuses espèrent maintenir le coût du nouvel appareil bien en dessous de 5 000 francs suisses. Une conception modulaire est essentielle pour garantir que le concept n'échoue pas en raison d'une éventuelle pénurie de pièces. L'appareil doit également être portable, compact et robuste.

Pas un kit de bricolage

Bien que l'équipe ait veillé à ce que chaque aspect du nouveau ventilateur soit simple et qu'elle se soit concentrée sur l'utilisation de composants standard disponibles dans le monde entier, cela ne signifie pas que n'importe quel·le bricoleuse ou bricoleur averti·e pourrait construire cet appareil chez soi. «La conception est peut-être simple, mais contrôler le débit d'air et obtenir le bon rythme est une tâche complexe qui nécessite des compétences en ingénierie», explique Kristina Shea, «nous avons fait appel à Melanie Zeilinger, professeure à l'ETH Zurich à l'Institut des systèmes dynamiques et de contrôle, pour nous aider dans la technologie de contrôle.»

Le concept du nouveau ventilateur a été développé à l'origine par des ingénieur·es de l'Institut de technologie du Massachusetts (MIT) : «Nous avons examiné plus de 40 modèles de logiciels libres, mais ce concept nous a semblé le plus prometteur», dit-elle. L'équipe a ensuite apporté ses propres améliorations aux plans en travaillant sur l'appareil en laboratoire, notamment en améliorant la constructibilité, la compacité et l'interaction avec le produit.

Premier test réussi

Le prototype a déjà passé son examen technique initial. Celui-ci a été réalisé par Marianne Schmid Daners et son équipe de la chaire de développement de produits et de conception technique. L'appareil d'essai qu'elles ont construit dans leur laboratoire leur permettra également de tester d'autres nouveaux systèmes de ventilation, y compris ceux construits par des entreprises.

Les chercheuses sont déjà en négociation avec un·e partenaire de fabrication en Ukraine qui a exprimé son intérêt pour la production du ventilateur à l'échelle industrielle. «Nous ne pouvons pas fabriquer le produit nous-mêmes à l'ETH Zurich. Mais si nous pouvons trouver des partenaires industriel·les désireuses et désireux de produire ce type de machine, alors nous ferons tout notre possible pour les soutenir», déclare Kristina Shea. Quoi qu'il en soit, laisser leurs plans prendre la poussière dans un tiroir n'est pas une option : «Nous allons certainement mettre notre conception à disposition en open source dès que nous aurons terminé le processus de développement».

Pour Kristina Shea, le développement du ventilateur est bien plus qu'un simple prix de consolation pour son congé sabbatique annulé. «C'est un projet assez fou et chaotique sur lequel nous travaillons, parce que les conditions et les exigences changent tous les jours». Dans des circonstances normales, souligne-t-elle, le processus de développement du projet serait très différent. «C'est ce qui rend ce projet si unique et si utile - c'est une véritable aventure.»

Les quatre piliers de la recherche sur les coronavirus de l'ETH Zurich

Afin de faire progresser la recherche sur le nouveau coronavirus, l'ETH Zurich a approuvé plus de 20 projets dans différentes disciplines. Des autorisations spéciales permettront aux chercheurs de reprendre ou de poursuivre leurs travaux en laboratoire. Les projets approuvés ont été regroupés en quatre groupes : Diagnostic, recherche sur les médicaments et les vaccins, épidémiologie, vêtements de protection et soins intensifs.