L'acide iodique impliqué dans la formation de nuages en Arctique

Des chercheurs de l’EPFL, de l’Institut Paul Scherrer et de l’Université de Stockholm ont démontré le rôle de l’acide iodique dans la création de nouvelles particules d’aérosols en Arctique à la fin de l’été. Ce processus, indispensable dans la formation des nuages, est mal connu mais central pour mieux comprendre le réchauffement climatique.
Nuages au-dessus de l'Arctique (Photo: Andrea Baccarini)

L’Arctique se réchauffe deux à trois fois plus rapidement que le reste du globe. Plusieurs facteurs sont responsables de cette situation, mais l’importance de chacun n’est pas encore comprise. «Nous pensons toutefois que les nuages pourraient jouer un rôle clé », explique Julia Schmale, professeure à l’EPFL et à la tête du laboratoire de recherche en environnements extrêmes – Chaire Ingvar Kamprad. « Ils contribuent en effet à refroidir ou à réchauffer la planète, en réfléchissant les rayons du soleil vers l’espace ou au contraire, en jouant le rôle de couverture. »

Avec des scientifiques de l’Institut Paul Scherrer (Laboratoire de chimie de l’atmosphère) et de l’Université de Stockholm (Department of Environmental Science & Bolin Centre for Climate Research), la chercheuse s’est rendue plusieurs semaines au Pôle Nord, en août et en septembre 2018, lors de l’expédition suédo-américaine Arctic Ocean 2018 à bord du brise-glace suédois Oden. L’équipe y a mesuré l’air en temps réel, afin d’en analyser les propriétés chimiques et physiques, et de comprendre les conditions qui mènent à la formation de nuages.

Comment se forment les aérosols en Arctique?

«Nous voulions comprendre une étape précise de ce processus : la façon dont se forment de nouvelles particules d’aérosols au Pôle Nord», indique Andrea Baccarini, doctorant à l’Institut Paul Scherrer lors de l’expédition et désormais collaborateur scientifique au sein du laboratoire de la Professeure Schmale. «Lorsque les conditions sont réunies, les molécules de gaz se condensent entre elles et forment des petits agrégats, créant ainsi de nouveaux aérosols. Et si ces aérosols atteignent une certaine taille, ils se transforment alors en noyaux de condensation, essentiels dans la formation des nuages.»

Or en Arctique, en été et en automne, la concentration d’aérosols est très faible. «Un tout petit changement dans cette concentration peut donc avoir un impact majeur dans l’apparition de nuages, ainsi que changer leurs propriétés», souligne Andrea Baccarini. Les scientifiques ont également étudié l’importance des aérosols locaux par rapport à des aérosols provenant de sources plus lointaines. «Nous avons pu définir les sources exactes des aérosols nécessaires dans la formation des nuages», ajoute Paul Zieger, professeur assistant à l’Université Stockholm et en charge du projet de recherche «aerosol-cloud processes» lors de l’expédition.

Apparition d’acide iodique au début de l’automne

Leurs analyses ont démontré qu’entre la fin de l’été et le début de l’automne, l’acide iodique agit comme déclencheur dans la formation de nouveaux aérosols. Ce composé chimique n’avait encore jamais été observé dans la banquise arctique. «À la fin de l’été, il y a moins de glace, beaucoup d’eau et la concentration d’acide iodique est encore très basse», explique Julia Schmale. «Au début de l’automne, la température baisse et la banquise augmente. C’est également à ce moment que la concentration d’acide iodique augmente drastiquement et mène à la création de nombreuses nouvelles particules d’aérosols». 

Les scientifiques ont développé un modèle expliquant cette concentration d’acide iodique dans l’atmosphère, qui dépend beaucoup des conditions météorologiques. Ils ont également pu décrire la chaîne complète d’événements conduisant à la formation d’un nuage, d’une molécule de gaz formant une particule jusqu’à la création d’un noyau de condensation. «Observer et décrire ce processus en conditions réelles est extrêmement rare» souligne la Professeure Schmale.

Leurs résultats, publiés dans Nature Communications, permettent une meilleure compréhension du rôle des procédés biogéochimiques dans la formation des nuages en Arctique et potentiellement de leur rôle dans le réchauffement climatique.

Plus d'informations

Collaboration

  • Laboratory of Atmospheric Chemistry, Paul Scherrer Institute, Villigen PSI, Suisse
  • Department of Environmental Science & Bolin Centre for Climate Research, Stockholm University, Suède
  • Department of Physics and Atmospheric Science, Dalhousie University, Halifax, Canada
  • School of Earth and Environment, University of Leeds, UK
  • Department of Atmospheric Chemistry and Climate, Institute of Physical Chemistry Rocasolano, CSIC, Espagne
  • Department of Meteorology & Bolin Centre for Climate Research, Stockholm University, Suède
  • Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit, École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Suisse

Financement

  • Fonds National Suisse (grant no. 200021_169090)
  • Swiss Polar Institute and the BNP Paribas Swiss Foundation (Polar Access Fund 2018),
  • Swedish Research Council

Référence

Frequent new particle formation over the high Arctic pack ice by enhanced iodine emissions
A. Baccarini, L. Karlsson, J. Dommen, P. Duplessis, J. Vüllers, I. M. Brooks, A. Saiz-Lopez, M. Salter, M. Tjernström, U. Baltensperger, P. Zieger, J. Schmale
Nature Communications, 1 October 2020 (online)
DOI: 10.1038/s41467-020-18551-0

https://www.nature.com/articles/s41467-020-18551-0