Les bioessais permettent d’évaluer l’ozonation et le post-traitement des eaux usées

L’ozonation est une méthode de traitement reconnue pour l’élimination de micropolluants dans les eaux usées. Cependant, elle peut donner lieu à des produits de réaction toxiques instables, un post-traitement biologique est donc nécessaire. Les résultats du Centre Écotox et de l’Eawag montrent dans quelle mesure différentes méthodes de post-traitement réduisent les effets écotoxicologiques. La combinaison de l’ozonation avec du charbon actif s’est avérée être la plus efficace.
Le post-traitement des eaux usées après l’ozonation avec du charbon actif en grains permet une nette amélioration de la purification de l’eau. (Photo: Eaum M/Shutterstock)

Les eaux usées polluent les rivières et les lacs en y déversant de nombreux micropolluants provenant, entre autres, de produits de soins et de produits pharmaceutiques. La loi sur la protection des eaux vise par conséquent à doter les stations d’épuration des eaux usées (STEP) suisses d’une étape de traitement supplémentaire. Des essais pilotes ont mis en avant deux méthodes particulièrement efficaces pour l’élimination des micropolluants: l’ozonation et le traitement au charbon actif. L’ozonation peut cependant donner lieu à des produits de réaction instables indésirables et potentiellement toxiques. Afin de les éliminer des eaux usées, un post-traitement avec une activité biologique est nécessaire et plusieurs méthodes peuvent être employées. Dans le but d’évaluer les différentes méthodes, le Centre Écotox et l’Eawag ont déterminé dans quelle mesure l’ozonation combinée à des procédés de post-traitement pouvait réduire les effets écotoxicologiques. Plusieurs bioessais ont ainsi été effectués pour évaluer globalement l’effet de mélanges complexes de substances. Le projet a été financé par l’Office fédéral de l’environnement et l’UE dans le cadre du FP7 (projet DEMEAU).

Des bioessais de grande envergure

D’une part, pour les organismes des bioessais, les chercheuses et chercheurs ont utilisé, en laboratoire, des cultures cellulaires ou des organismes mono ou multicellulaires tels que des bactéries, des algues ou des daphnies. D’autre part, des truites arc-en-ciel et des vers oligochètes ont été analysés dans les systèmes d’écoulement directement à la STEP. «Les tests sur des truites à des stades de développement précoces ont permis d’examiner, en dehors de la mortalité, des paramètres généraux de développement tels que l’éclosion, la flottaison et la longueur, mais également les modifications tissulaires et l’expression de gènes sensibles aux polluants comme biomarqueurs», explique Cornelia Kienle du Centre Écotox.

Les essais ont été effectués à la STEP de Neugut à Dübendorf, qui a été la première STEP de Suisse à avoir été équipée d’un système d’ozonation à grande échelle en 2014. Comme alternative possible au filtre à sable de la STEP de Neugut, les scientifiques ont étudié les effets d’un réacteur à lit fluidisé et d’un réacteur à lit fixe dans lesquels, comme pour le filtre à sable, des bactéries transforment biologiquement des substances en biofilms. Par ailleurs, des filtres à charbon actif en grains (CAG) ont été envisagés, autant avec du CAG relativement pur et peu chargé, qu’avec du CAG déjà utilisé et donc chargé de substances organiques. Dans les filtres CAG, les micropolluants organiques sont, d’une part, adsorbés sur le charbon et, d’autre part, dégradés par le biofilm sur le CAG. Les scientifiques ont comparé l’effet des eaux usées sur les cultures cellulaires et les organismes des bioessais après le nettoyage biologique, après l’ozonation ainsi qu’après les différents post-traitements.

Cette vidéo montre la conception de l’expérience

Confirmation des effets positifs de l’ozonation

Les tests en laboratoire ont démontré que l’ozonation réduisait efficacement la toxicité des eaux usées par rapport aux eaux usées qui avaient seulement été purifiées biologiquement. L’effet toxique sur des bactéries bioluminescentes a été réduit de 66 pour cent comparé au traitement biologique. Dans le cadre du test sur des algues vertes, l’inhibition de photosynthèse s’est également réduite de 80 pour cent et l’inhibition de croissance de 75 pour cent. Certains effets hormonaux-actifs ont également été réduits ou éliminés par l’ozonation. La survie des daphnies n’a été altérée de manière significative par aucun des échantillons d’eaux usées examinés. Les tests effectués dans les systèmes d’écoulement de la STEP ont montré que les eaux usées n’avaient pas non plus eu d’effets sur la survie et la reproduction des vers oligochètes. De même, aucune différence n’a été constatée concernant le développement et la survie des truites arc-en-ciel à des stades d’évolution précoces entre l’eau usée après ozonation et l’eau usée épurée uniquement par voie biologique.

Davantage de réduction grâce au filtre CAG

La toxicité des eaux usées après ozonation était très faible, ce qui signifie que le traitement à l’ozone a déjà entrainé une amélioration significative. Ce n’est que dans des cas isolés qu’un léger effet mutagène a, par exemple, été constaté. Ces effets négatifs ont pu être éliminés ou réduits davantage grâce aux différents processus de post-traitement. Le test d’inhibition de photosynthèse a révélé qu’après traitement avec le filtre CAG peu chargé, les effets ont pu être réduits de 66 pour cent supplémentaires. Ce résultat est probablement dû à une élimination supplémentaire des micropolluants par le filtre CAG. Le filtre CAG chargé a également permis une légère amélioration. Dans l’ensemble, la faible toxicité résiduelle après ozonation a toutefois rendu difficile l’évaluation des effets supplémentaires des post-traitements dans le cadre des bioessais. Les résultats obtenus pour les post-traitements avec filtre à sable, lit fluidisé et lit fixe n’ont pas été constants et ne permettent pas de tirer de conclusions.

De nouvelles méthodes délicates

Une analyse tissulaire des truites arc-en-ciel réalisée à l’Universität Tübingen a révélé qu’après l’ozonation, l’état tissulaire du foie des truites restait toujours moins bon que celui des truites témoins non chargées. Le traitement avec un CAG peu chargé a entrainé une meilleure condition des tissus, tandis que d’autres post-traitements n’ont pas donné lieu à des améliorations significatives. Le toxicologue environnemental Stephan Fischer de l’Eawag a étudié les biomarqueurs sur le plan de l’expression génique chez les truites. Ceux-ci indiquent si les organismes réagissent à différents groupes de polluants et dans quelle mesure. Les biomarqueurs étudiés sont impliqués dans des réactions telles que la réponse générale au stress, le stress oxydatif, la transformation des composés allogènes, la régulation du système immunitaire, la régulation endocrinienne et les réactions aux métaux lourds. La plupart des biomarqueurs étaient plus élevés avec de l’eau usée épurée biologiquement. L’ozonation réduit ce phénomène. Les différents types de post-traitements ont donné lieu à d’autres modifications des modèles de biomarqueurs: ils étaient similaires à ceux des poissons témoins, mais en se distinguant moins nettement les uns des autres. L’effet positif le plus net a été observé après utilisation du filtre CAG peu chargé ou du lit fixe.

Conclusions et mise en œuvre

Les bioessais effectués confirment que l’ozonation réduit de manière significative la charge de pollution des eaux usées de la STEP de Neugut et ainsi les effets écotoxicologiques. Étant donné que les eaux usées n’étaient plus que très faiblement toxiques après l’ozonation, presque aucune différence dans l’efficacité des différents post-traitements n’a pu être démontrée. Si l’on résume les résultats des bioessais, seul le filtre CAG peu chargé a apporté une performance de purification nettement supérieure par rapport à l’ozonation, ce qui est probablement dû à l’élimination supplémentaire de micropolluants par la sorption sur le filtre. Dans le cadre des autres post-traitements, la plupart des méthodes utilisées n’ont pas pu démontrer d’amélioration particulière. Toutes les méthodes de post-traitement ont cependant permis de réduire les effets mutagènes sporadiques, ce qui indique leur efficacité dans l’élimination de produits de réaction.

En principe, un post-traitement biologique après ozonation est nécessaire en Suisse afin de réduire le carbone organique biodégradable dissous ainsi que les produits potentiellement toxiques générés pendant l’ozonation. Cette étude a montré que c’est la combinaison de l’ozonation et du charbon actif (filtre CAG) qui permet d’obtenir la plus grande réduction de produits de réaction à l’ozonation et l’écotoxicité dans les eaux usées traitées. L’importance de cette combinaison de traitements s’est accrue ces dernières années et elle est déjà utilisée en Suisse à la station d’épuration d’Altenrhein.