Exploration inégale des ressources maritimes

L’exploration et l’exploitation des ressources maritimes mondiales sont inégalement réparties. Bien qu’un grand nombre de ces ressources proviennent de l’hémisphère sud, elles sont explorées essentiellement par un petit nombre de pays de l’hémisphère nord. En conséquence, malgré la Convention sur la diversité biologique, la plupart des bénéfices et des profits y circulent également. C’est ce que montre une analyse des publications scientifiques des 50 dernières années.
Coraux en Papouasie occidentale, Indonésie (Photo : Lars Hanf, cc 3.0)

L’étude qui vient d’être publiée dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences) est explosive. En effet, elle montre à quel point la communauté scientifique mondiale a encore gardé sa mentalité coloniale. L’équipe composée de chercheurs anciens et contemporains de l’Eawag a analysé à ce sujet la littérature sur les ressources maritimes mondiales au cours des 50 dernières années : plus de la moitié des quelque 10 000 études sont issues d’une poignée de pays du Nord riche (États-Unis, Japon, Australie – et maintenant la Chine). Et ce, bien que les ressources maritimes décrites par exemple pour la pharmacie, l’industrie cosmétique et alimentaire proviennent souvent d’États côtiers de l’hémisphère sud, par exemple de pays africains ou d’Indonésie.

L’impact de la Convention sur la biodiversité est très lent

« Il y a lieu de conclure que non seulement la renommée scientifique, mais aussi les bénéfices tirés de l’utilisation des ressources décrites sont inégalement répartis », déclare le co-auteur de l’étude, Moritz Lürig, de l’Eawag. À son avis, cette constatation est surtout décevante, compte tenu du fait que l’on cherche depuis longtemps à contrecarrer cette évolution. En 1993 – à l’issue de la conférence des Nations-Unies qui s’est tenue à Rio – la Convention sur la diversité biologique (CBD) a été décidée et scellée ensuite par le protocole de Nagoya. Elle est censée fournir un accès loyal aux ressources génétiques et assurer « le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation ». À ce jour, 193 États contractants ont adhéré à la Convention. La Suisse l’a ratifiée en 1994.

Bien que la diversité des pays d’origine des publications se soit accrue depuis l’entrée en vigueur de la Convention sur la diversité biologique, la domination dans ce secteur revient toujours à quelques pays seulement. « Malheureusement, le renversement de la tendance ne se fait que très, très lentement », constate M. Lürig, « Des mesures supplémentaires sont nécessaires pour garantir que les bénéfices - notamment de l’exploration maritime à des fins pharmaceutiques - soient finalement répartis plus équitablement dans le monde. »  

Des parallèles avec d’autres champs de recherche ?

Le schéma classique valable dans le domaine scientifique : « l’Occident riche ouvre la voie, le reste suit », semble encore profondément enraciné. La méthode choisie par l’équipe de chercheurs regroupée autour de Miguel Leal de l’Université d’Aveiro au Portugal et qui consiste à analyser des publications pourrait aussi montrer dans d’autres domaines de recherche à quel point la communauté scientifique internationale fonctionne de manière équitable ou non. Notre collègue Lürig d’Aveiro a déjà une proposition d’amélioration : « il vaudrait mieux réfléchir davantage à la manière dont tous les partenaires de la recherche peuvent devenir des scientifiques accomplis et mener ensuite des recherches indépendantes au profit de leur société. » Cela revient également à remettre en question les pratiques courantes de (co-)paternité, surtout en matière de coopération scientifique entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud.