Les points «Air Miles» sont-ils devenus obsolètes en tant que symbole ?

Depuis près de deux mois, beaucoup d'entre nous travaillent presque exclusivement à domicile. Et cela se passe bien mieux que ce que certains avaient prévu. Ce qui est maintenant devenu normal va profondément changer le monde du travail, estime la professeure Gudela Grote.
L'importance des voyages d'affaires devront être réévaluée après la crise du Coronavirus. (Image : Adobe Stock / R.-Andreas Klein)

Ces dernières semaines, beaucoup d'entre nous ont découvert que nous faisons notre travail étonnamment bien, sans voyage d'affaires ni déplacement. Nous avons également constaté que lorsque nous cessons de voyager, des secteurs d'activité entiers rencontrent de graves difficultés. Cela nous montre de façon frappante pourquoi les efforts pour lutter contre le changement climatique progressent si lentement. Car si nous voulons ralentir, voire arrêter le réchauffement climatique, une restructuration économique radicale est inévitable. Malheureusement, les chances que les responsables politiques canalisent l'aide économique de manière à encourager une telle restructuration sont minces. Tout semble orienté vers le retour des entreprises à leur situation d'avant la crise, le plus rapidement possible.

Echafauder une nouvelle normalité

Donc, si nous ne pouvons pas nous attendre à une refonte fondamentale du haut vers le bas, il est d'autant plus important que cela se fasse du bas vers le haut. Et cela nous concerne tous. Quelles sont donc les expériences que nous avons vécues en tant qu'employé·e·s ou employeurs qui valent la peine d'être prises en compte dans la nouvelle normalité tant vantée pour façonner notre vie professionnelle quotidienne ?

Tout d'abord, comme la plupart d'entre nous en conviendront, travailler à domicile fonctionne bien - Et même très bien ! Et ce, malgré les défis posés par le changement brutal et le besoin pressant de garde d'enfants. Ce qui était autrefois un luxe en Suisse est devenu une pratique de travail répandue. Si nous sommes tous impatients de nous retrouver entre collègues autour d'une vraie table de déjeuner, la solidarité d'équipe peut aussi être favorisée par des pauses café virtuelles sur Zoom et une petite discussion sur Slack. Les fabricants de ces technologies sont ravis, même s'il est clair qu'il y a des failles de sécurité à combler.

Oui, ils fonctionnent vraiment

Hormis un esprit d'équipe plus faible, l'argument le plus entendu contre le travail à domicile a été la perte de contrôle redoutée par de nombreux patrons. «Mais travaillent-ils vraiment à la maison, et ne passent-ils pas simplement plus de temps à surfer sur Internet ?» est une objection que j'ai entendue même de la part de jeunes cadres. Comme la communauté scientifique le sait depuis longtemps, c'est généralement le contraire qui se produit : les performances au travail et la fidélité à l'entreprise augmentent parce que les employé·e·s apprécient de pouvoir travailler à domicile et récompensent les employeurs de leur engagement. Nombreux sont les cadres qui en ont fait l'expérience et qui, espérons-le, feront plus confiance à leur personnel à l'avenir.

«À l'avenir, il faudra évaluer de manière beaucoup plus critique si un voyage d'affaires est vraiment nécessaire. Et cela devrait être basé sur des faits plutôt que motivé par l'intérêt personnel.»      Gudela Grote

Mais il y a un inconvénient au travail à domicile : au cours de notre enquête sur les nouvelles formes de travail à l'ETH Zurich, de nombreuses personnes ont mentionné avoir le sentiment encore plus aigu qu'elles doivent être constamment disponibles. Ce n'est pas un sujet nouveau, mais c'est un sujet que je considère actuellement comme particulièrement critique, car avec beaucoup d'entre nous travaillant à domicile, les frontières entre le travail et la vie privée pour chaque individu comme pour des équipes entières deviennent floues. Il est impératif d'établir des règles claires pour être autorisé à être hors ligne.

Réduire de moitié le nombre de voyages d'affaires

Et qu'en est-il des voyages d'affaires ? Eh bien, nous savons maintenant que nous pouvons nous en passer ! Les vidéoconférences fonctionnent de mieux en mieux ; la proximité personnelle et la communication informelle peuvent être réalisées dans un environnement virtuel. Mais certaines personnes auront sans doute constaté que les malentendus et les conflits sont plus difficiles à reconnaître et à résoudre. Et les rencontres fortuites qui se produisent lors de grandes manifestations commerciales et qui se révèlent par la suite être à l'origine de tendances sont pratiquement inimaginables, voire impossibles.

Pour l'instant, ma conclusion est donc la suivante : bien que nous ne puissions pas renoncer complètement aux voyages, nous pouvons probablement nous contenter de beaucoup moins. Que diriez-vous d'établir un nouvel objectif climatique basé sur la réduction de moitié du nombre de voyages d'affaires ? Ceux qui ont peu à gagner à traîner dans les aéroports et les avions seront heureux. D'autres perdront un symbole de statut convoité - et alors l'ambition de George Clooney à amasser dix millions de miles dans le film «Up in the air» sera plutôt triste à voir. À l'avenir, il faudra évaluer de manière beaucoup plus critique si un voyage d'affaires est vraiment nécessaire. Et cela devrait être basé sur des faits plutôt que motivé par l'intérêt personnel. Mais ce ne sera certainement pas facile.