Les raisons pour lesquelles l'initiative de limitation nuit à la recherche

Michael Hengartner est président du Conseil des EPF - et donc, en quelque sorte, le chercheur en chef de la Suisse. Dans sa chronique, il commente et explique le monde de la science. Cette semaine : les risques que fait peser l'initiative de limitation sur la recherche suisse. 
L'adoption de l'initiative de limitation par le peuple aurait pour conséquence la fin de l'accord de recherche entre la Suisse et l'UE. (Image: Shutterstock)

Nous voterons sur l'initiative de limitation le 17 mai. Non seulement le Conseil fédéral, mais aussi toutes les universités suisses rejettent l'initiative – et cela pour deux raisons. Tout d'abord, l'initiative abolit la libre circulation des personnes. Or, pour rester parmi les meilleures universités au monde, nous avons besoin des meilleurs chercheurs au niveau international. Ce sont eux qui travaillent sur de nouvelles idées, comme transformer la lumière et l'air en essence, permettre aux paraplégiques de remarcher à nouveau ou rendre internet plus sûr. La deuxième raison du rejet de l'initiative est l'accord de recherche avec l'Union européenne. Cette dernière disparaîtrait une fois l'initiative adoptée, à l’instar d'autres accords bilatéraux éprouvés avec l'UE. Les conséquences d'une telle mise à l'écart seraient considérables pour la Suisse en tant que pôle de recherche et d'innovation. Nous perdrions beaucoup de savoir-faire, un réseau international irremplaçable et la concurrence avec les meilleurs du monde.

J'ai moi-même beaucoup profité de l'ouverture de la Suisse. Mon père a grandi en Suisse. Après avoir étudié à l'ETH Zurich, il a émigré au Canada, où il est devenu professeur de mathématiques. 35 ans plus tard, j'ai pris le chemin inverse et je suis revenu à Zurich en tant que professeur à l'université. Nous avons tous deux beaucoup appris à l'étranger. Et nous ne sommes pas les seuls. Voici deux faits intéressants. Tout d'abord, la Suisse est le pays qui compte la plus grande proportion de chercheurs étrangers. Plus de la moitié des personnes qui font des recherches ici n'ont pas le passeport rouge à croix blanche. D'autre part, nous sommes aussi le pays qui possède la deuxième plus grande proportion de scientifiques qui émigrent, au moins temporairement. Un tiers des chercheurs suisses font de la recherche à l'étranger.

«Cette ouverture, cette mobilité des esprits les plus brillants, cet échange d'idées et de connaissances – c’est tout cela qui fait le succès de notre pays.»      Michael Hengartner

Cette ouverture, cette mobilité des esprits les plus brillants, cet échange d'idées et de connaissances – c’est tout cela qui fait le succès de notre pays. Nos jeunes chercheurs bénéficient de leur expérience à l'étranger. Et la Suisse en profite lorsqu'elle accueille de l’étranger des talents. Heinrich Nestlé était allemand, Nicolas Hayek, le fondateur de Swatch, venait du Liban. Il n'en va pas autrement dans d'autres pays, comme les États-Unis. Elon Musk, le fondateur de Tesla, est sud-africain, le fondateur de Google, Sergei Brin, est russe.

Il est important pour moi que les meilleures idées et les meilleures entreprises soient créées en Suisse. C'est pourquoi je suis en faveur de l'ouverture et de la liberté. Cela a toujours été une force de la Suisse. En 2014, nous avons déjà fait l'expérience de ce que signifierait l'adoption de l'initiative de limitation. Avec l'adoption de l'initiative sur l'immigration de masse, la Suisse a été exclue des programmes de recherche de l'UE pendant plus d'un an. En conséquence, la Suisse a été impliquée dans un nombre de projets nettement moins important, moins attrayant pour les jeunes chercheurs. Les dommages causés à la science suisse ont été très importants. Ne laissons pas cela se reproduire !